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Quoi encore une fois ? J'ai pas que ça à faire dans la soirée moi, taper sur une timbale, ça va bien cinq minutes. Vingt quatre décembre, et sans manteau dans la rue. Je me les gèle avec toute cette neige. On est à New York, la pollution est pas censé faire fondre cette connerie blanche ? On nous bassinait assez à la télévision sur la fonte des glaces et les ours polaires qui crevaient de chaud … et il faisait pas assez bon ici, dans ma ville pour que tout soit fondu ? Bordel. Je lance un regard noir au professeur qui nous accompagne. Ça a l'air de le mettre en joie lui, de passer pour un bouffon avec son sourire à la marlon brando, son bonnet de père noël sur la tête et son triangle dans la main. Il mettait un vingt à ceux qui venaient participer à l'orchestre de rue de Niagara, alors comme j'allais pas souvent en cours, ça pouvait rattraper ma note. J'avais quand même refusé de porter le costume d'un renne, c'était se foutre de ma gueule là. J'avais subtilisé un bonnet, histoire de faire un peu comme tout le monde, et je me retrouvais en pleine rue avec ce machin rouge sur le crâne, une timbale et une baguette à la main et une clope coincée entre les lèvres. S'ils pouvaient nous servir un peu de vin chaud par la même occasion, ça serait sympa de leur part. Je jette un coup d'oeil à ma montre, dix neuf heure et ma tante qui doit déjà être en train de m'attendre. Ils ont dû tous rappliqué et déjà avoir les pieds sous la table à cette heure là. Elle qui voulait faire la surprise de ma venue, après deux petites années d'absence. Faut dire que Mélissa ne m'avait plus à la bonne depuis sa garde à vue. Ma tante par contre, je l'aimais bien, et ça m'emmerdait vraiment de lui poser un lapin. Je donne de grands coups sur ma timbale en faisant deux tours sur moi même et en partant à la rencontre des gens. Fuck off le vingt, pour une fois que j'essaye d'être poli. « Badabada ! C'est noweeeelll ! Tiens petit, c'est pour toi. Merry Draystmas ! » Je fourre mes percussions dans les mains d'un gosse qui me regarde sans vraiment comprendre, content du cadeau qu'il vient de recevoir. Hop, bonnet calé sur sa petite tête d'ange, gros bisou à mon prof qui me hurle de revenir et je m'engouffre dans le métro, direction la maison de ma tante.

Après un bon quart d'heure, j'arrive enfin devant la maison. J'ai quand même fait un effort pour m'habiller. Pas de trou dans mon jean, pas de bracelet, de doc martins aux pieds, ou de tee shirt aux motifs provocants. Juste une veste – pas vraiment adaptée au climat –, un débardeur gris en dessous, jean noir et converses noires. Classe. J'avance vers la porte, sûr de moi, et frappe deux coups. Purée, vu le bruit à l'intérieur, toute la fratrie semble avoir débarqué. Si j'ai de la chance, il y aura peut être ma mère, ma sœur, et le nouveau type qu'est venu me remplacer dans son putain de cœur de traitresse. On sait jamais.

On ne mit pas longtemps à venir m'ouvrir. Je priais intérieurement pour qu'il n'y ait pas trop de monde, fallait dire que les réunions de famille n'étaient pas mon truc. On n'en faisait pas franchement du temps où j'habitais en Angleterre. Les réveillons ne se passaient plus qu'à trois quand la sœur de ma mère c'était barrée pour le nouveau monde, de l'autre côté de l'Atlantique. Plat de pâtes devant la télévision, peut être un gâteau au chocolat si on était sage et l'affaire était réglée. En fin de lycée, quand on m'avait envoyé chez les Jackston, j'avais eu un peu de mal à m'habituer à l'ambiance famille. Enfin famille, fallait l'avouer, elle était quand même pas mal décousue et assez hypocrite cette famille. Mais elle n'en restait pas moins unie en préservant certaines coutumes et traditions. Ça m'avait mis mal à l'aise au début, et j'y avais pris goût. C'était triste de se dire que le premier sapin que j'avais décoré, c'était à mes dix sept ans. J'étais heureux comme un gosse en plus, d'aller m'asseoir près du sapin pour déballer les cadeaux. Pour ça que j'avais accepté tout de suite l'invitation.

Ma tante ouvre la porte avec un grand sourire, écrasant ses lèvres rouges sur mes joues frigorifiées. Je lui déballe le grand sourire et fait le tour des convives, ceux qui font partie de ma famille et les autres aussi. Gosh, l'autre sœur de ma mère a sortie la robe à fleur et le bonnet de mère-noël. Faut toujours qu'il fasse la course au costume le plus ridicule ou quoi ? Je me concentre sur le décor de la pièce, histoire de pas rigoler tout seul comme un con en allant lui faire la bise. L'esprit noël, je me met en pause dans mon comportement de super-connard, imbuvable, méprisant, macho et salaud. La trêve passée avec le père noël quoi, j'ai le droit de faire chier mon professeur ou les gamins dans la rue mais arrivé chez les miens, je me met en stand by.... sauf pour la rouquine qui était allée se terrer dans une autre salle, assise en tailleur sur le canapé. Elle tire la gueule, et le pire c'est qu'elle devait déjà être comme ça avant que j'arrive. Bien entendu, j'arrange pas sa bonne humeur de vingt quatre décembre. J'crois bien que c'est ce qui me mettait le doute sur l'envie de venir ou non. Ma jolie cousine qui faisait la gueule pendant les fêtes. Je m'avance vers elle avec un sourire. « Tu me fais pas la bise à moi ? » La réponse fuse aussitôt. « Tu peux bien aller te faire voire mec . » Je rigole un peu et m'assied à côté d'elle, passant un bras autours de ses épaules. Mélissa, c'est le grinch de noël, je me demande pourquoi elle a encore des cadeaux et pas un peu de charbon dans ses chaussettes. « Tu pourrais éviter de tirer la gueule. Il t'a fait quoi le père noël pour que tu sois comme ça ? » J'ai envie de l'appeler la mal baisée, de faire une blague salace par dessus, mais avec les petits cousins qui rodent autours de nous, j'ai pas envie d'une tragédie familiale et que le surnom lui reste. Quoi que ça pourrait être marrant, Mélissa surnommée la mal baisée par toute la famille. Hey, la mal baisée, tu viens manger ?. Je sort une cigarette de ma poche. Le grand oncle Sam ou je-sais-plus-quoi a déjà enfumé la pièce avec ses cigares cubains, c'est pas ma blonde qui va les déranger. Je tire une latte sur ma marlboro light et crache la fumée sur le visage de Mélissa qu'était en train de me répondre.

Je tire une nouvelle latte sur ma clope, ça n'a pas vraiment l'air de plaire à Mélissa alors autant continuer. J'ai vraiment envie de l'emmerder ce soir ; c'est vrai que j'aime noël, et que les fêtes de famille chez les Jackston me font l'effet d'en avoir vraiment une mais faut pas pousser, s'asseoir tous autours d'une table en se battant gentiment pour savoir qui découpera la dinde, c'est vite chiant. Ennuyer ma charmante cousine par contre, c'est beaucoup plus amusant, presque relaxant avec tous les gamins qui font les fous autours de nous. C'était donc ça la magie de noël, l'excitation d'avant père noël ? J'me demande si ma petite sœur aura la chance de vivre ça un jour. Non, elle doit sûrement déjà s'en foutre, et elle a quoi maintenant ? Quatorze ans ? Elle doit traîner en bas de l'immeuble à fumer des joint avec ses copines et son nouveau mec pour le réveillon. Je secoue doucement pour me la sortir de la tête, si j'commence à partir dans les sentiments familiaux, ça va m'amener directement à ma mère et mon nouveau beau père. J'ai toujours pas digéré son petit coup d'état, à m'envoyer de l'autre côté de l'atlantique. Faut que je me reconcentre sur Mélissa, et c'est pas vraiment dur avec la réplique qui fuse dans la seconde. « Le père Noël m'a cette année, fait la pire des crasses en t'invitant chez moi, tu peux dégager d'ailleurs. » Ben moi j'ai envie d'te dire que le père noël, il a été plutôt cool avec moi. Je prend une attitude indignée, avec les sourcils haut perchés avant de lui répondre. « Mélissa, tu n'as donc aucun cœur ? T'as envie que je passe le réveillon, seul, dans la rue ? T'as envie que je boive jusqu'à mourir de froid sur un trottoir. C'est normal qu'il soit pas sympa avec toi le père noël … souhaiter le malheur d'un membre de sa famille, l'horrible personne. » Je lui tourne la tête, conservant l'air choqué quelques secondes avant de le troquer en un sourire quand un des gamins me fait signe de venir jouer avec eux. J't'aime bien mais je vais pas aller user les genoux d'mon jean par terre - pour une fois qu'il est tout neuf – pour faire avancer une auto miniature sur le plancher. « Rappelle moi, tu pars quand déjà? Non, je dis ça, parce que ça serait bête que tu t'en ailles encore une fois alors que ce n'est pas fini, je suppose que tu dois te souvenir, n'est-ce pas? Savais-tu que tu étais un bel enfoiré, Darren? Je suis certaine qu'on a dû te le dire une bonne centaine de fois déjà. C'est assez percutant chez toi. » Elle s'acharne la mégère ! Et c'est qu'elle me renvoi le commissariat dans les dents en plus ! Pas sûr qu'elle l'ait dit à ses parents pour le coup ; non, sûrement pas, sinon je serais pas le bienvenue ici. Ouais j'ai été con sur le coup, et j'ai flippé parce qu'elle et moi, on venait pas du même milieu ; elle avait peut être un casier vierge mais pas moi. J'me la joue souvent supérieur, macho et salaud, mais faut pas pousser, je sais très bien que si on m'envoie dans un centre de redressement, j'vais arriver en bas de l'échelle. J'aurai pas l'ancienneté, j'aurai pas les potes pour me défendre, je serai tout seul et il y en aura forcément qui viendront me prendre mon plateau repas, et tout ce qui peut passer dans mes mains avec un peu de valeur. Non, sur le coup, je m'en voulais absolument pas d'avoir laissé ma cousine adorée se faire choper par les flics à ma place. « T'inquiète pas pour ça Mélissa, j'vais rester cette fois, j'peux pas t'abandonner à chaque fois. » Nouvelle latte avant d'écraser ma clope dans le cendrier de la table basse. « Redit le moi que j'suis un salaud, ça me fait chaud au cœur quand c'est toi qui me le dit. ». Je me relève en soupirant, retournant jusqu'à ma veste pour plonger la main dedans et balancer un petit paquet cadeau à Mélissa. « T'inquiète, ça va pas t'exploser à la gueule babe. » J'avais toujours acheté des cadeaux à Mel, alors je continuais même si c'était plus protocolaire qu'autre chose, fallait pas me casser mon ambiance noël, c'était sûrement un des seuls moment familiaux que je vivais dans l'année. Un seul et unique jour alors qu'elle vienne pas me les biser en refusant mon présent. Un petit bracelet, un truc pas très cher mais plutôt sympa, j'avais demandé à Agyness de m'aider parce que les cadeaux de nanas, j'y étais pas habitué.

J'aurai peut être dû garder mon espèce de tambour de tout à l'heure, ça aurait occupé les gamins et rager Mélissa. C'était un véritable cacophonie dans la maison des Jackston, entre les adultes qui parlaient fort, certains qui tenaient pas franchement l'alcool et qui commençaient à être pompette, les enfants qui criaient et courraient partout. ET moi et mon rire énervant, histoire de lui faire choper le mal de crâne du siècle. J'écoute presque pas ce qu'elle me dit. Honnêtement, je m'en fout totalement des horreurs qu'elle peut me déballer. Ca me fait plus marrer qu'autre chose. Pauvre Mél, c'est pas en étant méchante avec moi que tu vas arriver à me blesser ; enfin c'est pas en m'attaquant sur des conneries que tu vas avoir une réaction. On pouvait dire ce qu'on voulait sur mon physique, rien à battre, j'savais très bien que la personne en face était largement moins bandante que moi – enfin si, il y avait eu Agyness qui m'avait vexé une fois, en faisant une remarque sur mon tour de taille -. On pouvait dire ce qu'on voulait sur mon caractère aussi, je savais très bien qu'il était insupportable, que je pouvais passer pour un gamin, ou le pire des salopard, un lâche ou tout ce qu'on voulait. Rien à battre, tout glisse, et j'en ressort avec le même sourire moqueur. C'est franchement pas là dessus qu'elle pourra m'atteindre. J'étais pas parfait, j'avais pas non plus un putain de cœur de pierre comme beaucoup le laissaient entendre. Non, j'avais mes points faibles, les trucs sur lesquels tu pouvais vite me voir me décomposer, oscillant entre réaction violente ou tristesse absolu. « Tu veux qu'on fasse un essai? Va crever dans la rue et tu verras bien si je viens t'aider ou non. Un membre de ma famille, où ça? Sur ce canapé vraiment je ne vois que toi, et moi. Or je ne te considère pas comme tel. Cette fois je veux bien que tu partes, ne te forces pas à rester voyons. Oh mais avec grand plaisir Darren, tu es le pire des salopards, content? . » Je lève même pas un sourcil, regardant en face de moi. « La bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe. »

Je me lève, pour lui balancer son cadeau. Come on Mélissa, c'est noël, tu pourrais au moins l'ouvrir. Non, rien à foutre, elle prend même pas la peine d'y jeter un coup d'oeil. Y a rien qui mord dedans tête de cul. Je rattrape le cadeau, et le tend à une des petites cousines qui passait à côté de moi, lui ébouriffant les cheveux au passage. Elle le prend entre ses petites mains et s'empresse de déchirer le papier cadeau, en sortant le bracelet toute contente et courant l'annoncer à sa mère qui me fait un sourire. J'vais pas insister, si elle en veut pas, il y en a d'autres qui seront content de l'avoir. « Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse? Garde le pour celle qui aura la malchance de devenir ta petite amie.. » J'en veux pas de girlfriend. Surtout si elles sont toutes aussi chiantes que la rouquine. Je hausse les épaules, replaçant une énième cigarette au coin de mes lèvres, briquet déjà en main. Je l'allume, le temps de laisser Mélissa se barrer dans la pièce à côté. Je ne vais pas tout de suite la rejoindre, préférant aller voir le reste de la famille, débarquant dans la cuisine en mode grand adolescent un peu con, celui qu'on aime bien et dont on ne se méfie pas. Je me pose à côté de ma tante, la mère de Mélissa, et passe ma main autours de ses épaules. « Dray, ça me fait plaisir de te voir ce soir, tu ne viens plus souvent. » J'attrape un des canapés au saumon qui traîne sur le table, et après avoir recraché ma fumée, je l'engouffre. « Oh tu sais Tati, j'passerai plus souvent si ça tenait qu'à moi. » Je pose mes lèvres dans ses cheveux et lui lâche les épaules. Je l'entends encore rire quand je sort du salon, pour rejoindre Mélissa. Oui, j'allais pas la lâcher totalement non plus. « J'crois que maman Jackston elle aimerait me voir plus à la maison. J'vais pas la contredire, ça serait malpoli.... T'en dis quoi ? Et on pourra courir la ville, comme avant. Non ? ». Sourire moqueur sur les lèvres.

Me faire passer pour quelqu'un d'autre, je savais très bien le faire. Un vrai professionnel. Parfois je me demandais pourquoi je n'avais pas plutôt choisi les classes de cinéma, pour me faire acteur. J'suis sûr que j'aurais pu percer dans cette branche là, que j'aurais fait un carton. Ma belle gueule en plus du reste, le petit côté intouchable et rebelle devant les paparazzi et la boucle était bouclée, en première page de tous les tabloïds. J'aurais tout le temps, avec mon premier long métrage, de me fourrer dans les scandales, pour faire grimper ma côte de popularité. Ouais, j'aurais fait un super bon acteur. Mais il y avait ma grande passion pour la musique, le rock surtout, et le groupe que j'avais formé avec d'autres élèves de Niagara. Si jamais je ratais mes années, je recommençais en tant qu'acteur. A voir la facilité avec laquelle je bernais la famille de Mélissa – et occasionnellement la mienne aussi -, j'avais déjà mâché une partie du travail. Un vrai ange, le gamin que tout le monde aurait voulu, qu'on aimerait voir plus souvent. C'était comme ça que me voyaient mes oncles et tantes, cousines et cousins. Hum. Le loup déguisé en agneau. Personne c'était demandé pourquoi ma mère m'avait expédié à l'autre bout de la planète ? Non, ils n'allaient pas jusque là apparemment. Tant mieux pour moi. Quoi que s'ils s'étaient posés la question, j'aurais fait passé ma vieille pour une débile, ou une vieille folle shootée aux antidépresseurs, qui avait failli nous tuer ou une connerie du genre ; ou mieux, j'aurais fait passé mon nouveau beau père pour une espèce de tortionnaire, comme ça ma tante aurait sauté sur le téléphone pour incendier sa sœur.

Bon, la causette c'est bien sympa, mais j'dois commencer à manquer à Mélissa non ? Même pas un peu ? Je m'approche de nouveau d'elle. Ce qu'elle peut m'énerver à se la jouer déprimer tout le temps. C'est plus bandant une fille qui montre ses dents dans un joli sourire qu'une nana qui fronce les sourcils et se donne des rides avant l'heure. Mélissa se retourne après ma nouvelle vanne et croise les bras. « Ecoute Darren, tu fais comme tu veux, sauf que moi, tu peux m'oublier. D'ailleurs, j'me casse.. » J'étais chez elle, et c'était elle qui se barrait ? Cette nana était encore plus conne que ce que je pensais. J'me demandais souvent où était passée la gamine avec laquelle je jouais, je déconnais, je faisais toutes les conneries imaginables. Bon, c'est vrai que niveau connerie, je jouais plus dans la même cours que pendant mon adolescence mais fallait pas déconner. Mélissa, elle était vieille avant l'heure, voilà. La rousse commence à tracer son chemin, montant jusqu'à sa chambre. Hum, elle va s'y enfermer toute la soirée ? Non, elle était juste partie chercher sa veste, pour sortir sans donner d'explication. Je hausse les sourcils, surpris qu'elle se barre comme ça, sans même prévenir sa mère. C'est noël quoi ! Et Mélissa est en train de me le gâcher. Au final, qui est ce qui faisait le plus chier l'autre ? Je laisse échapper un soupire, pour me prendre une nouvelle clope. Les invités n'avaient pas encore remarqués le départ de la rouquine.

Clope terminée, je la balance par la fenêtre pour revenir dans la salle principale. On va bientôt se mettre à table apparemment. Je tire une chaise vers moi, et ma tant semble enfin s'agiter, se rendre compte de quelque chose. « Où est Mélissa ? Darren tu l'as vu ? » Je hausse les épaules en faisant un signe négatif de la tête. C'est bon, on va pas m'accuser de l'avoir laissée partir ! C'est un des petits cousins qui s'exclame. « Elle est sortie ! Elle a même pas mis d'écharpe. » Roh bordel, je sent la soirée pourrie en préparation. La mère de Mélissa commence à crier après sa fille, comme s'il allait lui arriver un truc. Il y en a qui soufflent qu'elle est mal polie, bref, ça part dans tous les sens. Chiotte. Je me relève de ma chaise. « Bon, j'vais la chercher. » Putain de rousse qui me gâche mon noël. J'attrape ma veste et sort dans la fraicheur de la nuit. Où est ce qu'elle est en plus du reste. J'vais marcher, on verra bien. J'me donne deux heures …. non, une heure et demie pour la retrouver, et si jamais elle est disparue, je rentre et je laisse maman Jackston appeler les flics. […] Encore heureux que le roux soit une couleur qui flash. Vingt cinq minutes, vingt cinq putain de minutes et quatre clopes à marcher dans le blizzard avant de tomber sur elle. Je m'approche rapidement, pour qu'elle en s'enfuit pas en courant. « Bon écoute moi bien Jackston, ça arrive qu'une fois par an, qu'j'ai cette putain de possibilité d'avoir un semblant de famille alors tu ramènes ton cul chez toi, qu'on puisse bien tranquillement s'envoyer la dinde et tout le bordel et j'arrête de te faire chier la soirée. Ton cinéma d'enfant dépressive, il fait chier tout le monde, ça marche pas avec moi t'es loin d'être la nana la plus malheureuse au monde. » Ouais elle m'énerve. Je tire une longue taff sur ma marlboro, yeux plantés dans les siens.

Si encore il avait fait chaud, j'dis pas que ça aurait amélioré mon humeur mais presque. Traverser la ville, mains gelées dans les poches, capuche sur la tête et clope au nec quand il faisait nuit noir, ça me plaisait pas franchement. Enfin si, en général ça me plaisait quand j'avais un ou deux grammes dans le sang, quand j'avais une bande de pote autours de moi et qu'notre grand jeu, comme en Angleterre, c'était d'aller ravager le jardin d'une maison au hasard. Là c'était sympa de traîner en ville. J'étais resté le même zonard au final. Pour aller chercher Mélissa par contre, c'était une autre histoire, j'avais pas franchement de satisfaction en chemin – mis à part celle de pouvoir fumer plus que chez les Jackston -, ni à la ligne d'arrivée. J'le savais parfaitement que ma cousine aller me renvoyer chier correctement quand je lui dirais de rentrer. J'étais pas son père non plus, qu'elle traverse la ville en mini jupe, passant dans les recoins sombres et risquant le danger à chaque coin de rue, j'en avais rien à battre. Là, j'voulais juste qu'on évite le drame pour la soirée de noël, qu'on reste tous tranquillement à table, à découper la dinde en parlant actualité, que l'oncle Henry se mette à parler des évolutions de la bourse de Tokyo et que personne comprenne, qu'on s'engueule en lançant le sujet politique et qu'on se calme quand Tati Naomi aurait balancé une blague lourde qui aurait fait un blanc. Voilà c'que je voulais moi, passer une soirée sympathique, en famille pour une fois. Fallait dire que j'en avais jamais vraiment eu. Mon père c'était barré très vite, trop tôt pour que je me souvienne de sa gueule en tout cas. Et ma mère avait pas franchement assez de thunes pour nous emmener au resto ou nous acheter la dinde bien grasse du super marché. Who cares as long as everybody's fine ?

Je trouve enfin la fugitive, et comme prévu, elle ne m'accueille pas avec le sourire banane accroché au visage. Elle laisse un blanc après mon speech, commence à détailler le paysage. C'est quoi là ? Le temps que tous les mots montent au cerveau ? Je tire une longue taff sur ma clope, passablement énervé. Ouais au final c'est gagné, elle a finit par pourrir ma soirée. Pas le temps de réagir que ma cousine se retourne, me collant une gifle sans prévenir. Sourcils arqués, ma main vient se poser sur la trace rouge sur ma joue. N'importe qui, ça aurait été n'importe qui, je lui en aurais mis une en retour, et correct. C'est pas avec ses petits poings de nana qu'elle va vraiment me faire mal, mais c'est ma cousine, et j'étais venu pour la ramener ; c'est pas en lui écrasant mon poing dans le nez qu'elle va sagement me suivre. Quoi que. Je préfère rien dire, de toute façon Mélissa explose quelques secondes après. « Je ne vois pas pourquoi est-ce que tu es là, ce n'est pas comme si j'étais indispensable à toi soirée! Me foutre la paix, c'est tout ce que je te demande Darren! Et tes histoires de famille, moi je m'en fou complètement, je ne pense pas être concernée, et ne te considère plus depuis longtemps comme étant mon cousin! Et puis arrête, tu ne peux pas t'empêcher de venir me faire chier, parce que tu adores ça, ça t'éclate, alors les promesses à la con ce n'est même pas la peine! » Et ben, bravo Mélissa, là, franchement, bravo. Niveau pourriture, elle bat des records. J'la fais chier, ouais, mais c'est des moqueries, on peut pas dire que je la traîne par terre et que je lui marche dessus une fois qu'elle mord la poussière. « T'sais quoi ? J'pense que je me suis trompé sur ton compte. T'es une vraie pourriture Jackston. Tu m'trouve méchant c'est ça ? Parce que j'étais un gamin et que j't'ai laissé te faire prendre à ma place ? Tu viens d'une bonne famille, t'as eu un bon avocat et t'es sortie le lendemain. T'aurais préféré quoi ? Que je te sauve, que je me fasse prendre et que j'aille en maison de correction ? Que j'me fasse défoncer la gueule tous les jours par les gros caïd ? Et tu m'trouves méchant, alors que toi là, tu me rabaisses sur ma famille ? Mais putain Mélissa, t'es qui pour parler comme ça ? » Je m'approche d'elle, jette ma clope sur le rebord de la route et continue à gueuler. « Les gens disent que j'ai pas de cœur mais c'est toi qu'à un putain de trou à la place. » Je pointe de l'index sa poitrine, à l'emplacement du cœur. « T'es qu'une pourriture Mélissa. Les gens pensent peut être que t'es la fille sage et sans problème mais t'es qu'une pourriture au fond. » Deux pas en arrière, je hausse les épaules et part m'asseoir sur un muret. « Tu sais quoi, retourne chez toi. Va jouer à la fille parfaite qu'est même pas capable d'apprécier un putain de noël en famille et dégage de ma vue. »

Ouais, je venais de taper un long monologue. Ça m'arrive pas souvent faut dire, j'aime pas dire ce que je pense ou ce que je ressent vraiment. On peut me traiter de tous les noms, de connard, d'abruti fini, de menteur … j'sais que je le suis, et les insultes glissent comme de l'eau sur ma peau. Rien à battre de ce que peuvent penser les gens de moi. J'ai toujours vécu sans eux, sans attachement, alors c'est pas leur avis sur ma personne qui va compter. Surtout quand ils ne me connaissaient pas. D'ailleurs peu de personnes peuvent se vanter de me connaître. Raconter des conneries à tout bout de champ, démolir une personne en quelques phrases blessantes, draguer n'importe quelle minette au détour d'un verre, ouais, c'est du vu et revu chez moi, tout le monde m'a déjà vu faire ça. Mais parler de ce que je ressent, ce que je pense vraiment, jamais. Ce soir, c'était juste la goutte d'eau qui faisait déborder le vase, le moment d'énervement total, de blase aussi, qui m'avait poussé à bout. Dire que c'était un des membres de ma famille qui venait de me pourrir ( ou du moins, essaye de me pourrir ). La seule chose que Mélissa avait gagné, c'était une engueulade gratuite, une mise à nue de ce que je pensais réellement d'elle. Je l'avais bien traite de salope une bonne douzaine de fois, si ce n'est plus. Je l'avais renvoyé chié sur plein de trucs, sourire en coin, insulte sur le bout des lèvres … et pour elle aussi, tout ce que je pouvais lui raconter glissait. Parce que c'était faux, c'était pour rire, des conneries d'adolescent. Ici, c'est la réalité. Chaque phrase que je lui balance vient du cœur. Je n'avais jamais rien eu contre elle. Elle avait volé mes billes une fois, quand on avait quatre ans, but it's not a big deal. J'lui avais bien rendu la pareil quelques années plus tard. Seulement voilà, je ne lui en avais jamais parlé. Je ne lui avais jamais dit pourquoi je l'avais laissé en plan, plutôt que d'assumer mes propre conneries. Pourquoi ? Par fierté sûrement, parce que j'avais envie de passer pour le pire des connards, quitte à bousiller ma relation avec ma cousine. Et puis quand on commence à tracer son chemin, on fait pas demi tour en plein milieu. Alors j'avais continué, à ne rien lui dire, juste passer pour le connard de service. Ce soir, j'avais explosé, j'lui avais donné les raisons de mon acte, et balayé le connard, j'passais plus pour le petit malheureux, ce que j'avais du mal à supporter.

Sur mon mur, j'aspire la fumée de ma clope, pour calmer mes nerfs. Faut qu'elle dégage, faut vraiment qu'elle dégage, je suis absolument pas d'humeur. Autant, il y a dix minutes, j'l'aurais bien suivit jusqu'à la maison, ou je l'aurais mise sur mon dos pour l'y traîner de force mais là non, là j'ai juste envie d'un petit peu de calme, de me finir la soirée aux côtés des vieux ivrognes accoudés aux bars, et attendre mon tour pour balancer mes problèmes familiaux. C'était un peu une thérapie de groupe, avec le psy qu'on appelait bibine. Et pourtant, Mélissa tente quelques pas vers moi « Hmm je ne pensais pas faire ça un jour Darren mais .. Ouais, okay, c'est peut-être toi qui aies raison finalement. Je n'avais pas envisagé ce fait là, même si t'as jamais été un garçon sage .. Je vais rentrer Dray, mais ne reste pas là tout seul, pas comme s'il y avait un beau temps, de toute façon. Tu viens? . » Y a un moment où tu le sais, c'est implicite : tu laisses la personne tranquille. Biensûr qu'elle n'avait pas tout envisagé, trop cloitrée dans son beau monde bourgeois parfait. « Darren, excuse moi ... » Je ne bouge pas, tire juste un peu plus fort sur ma clope sans lui jeter un seul regard. « Et hmm .. En ce qui concerne ta famille je .. Non je ne le pensais pas .. Je sais que notre relation ne changera jamais, mais je te la laisse, ta soirée, comme tu la demandes. Une fois par an, je peux bien t'accorder cela .. Et puis si tu rentres, tu auras le plaisir de voir ma mère me gueuler dessus, tu devrais être content ... » Elle s'en rend même pas compte, elle le fait même pas exprès, de m'énerver un peu plus. Donc maintenant c'est une fleur qu'elle me fait ? J'peux t'accorder cela. Ou sinon j'étais trop énervé pour voir autre chose. Tellement que je prenais et prendrait tout de travers. Je finis par relever les yeux, crache une ligne de fumée. « Putain mais t'es complétement bouchée ? Ou t'es trop conne pour comprendre ? » Je jette le mégot de ma clope par terre. « Lis sur mes lèvres, tu dois bien en être capable. Laisse.Moi. » Je recommence à gueuler un peu plus. « Et mieux, P.S : Va.Te.Faire.Foutre. » Je me lève, lui lançant un regard mauvais. « T'as raison Mel' : notre relation ne changera jamais. Elle aurait pu mais plus depuis ce soir. » je tourne le dos et commence à m'en aller. Où ? J'en sais rien. Pourquoi ? J'en ai rien à foutre.