Une nouvelle journée venait de commencer pour moi. Une nouvelle journée, comme tant d’autres. Je n’avais pas cours avant les quinze heures et je m’en réjouissais déjà. J’allais pouvoir profiter un peu de mon temps libre pour m’occuper de moi. J’avais besoin d’un peu de repos. Jouer la comédie, régulièrement puisque j’avais cours tous les jours, n’était pas évident. De plus, j’allais pouvoir saisir l’occasion pour m’avancer. En effet, j’avais un devoir à rendre pour la semaine d’après. Notre professeur d’écriture de pièce était bien gentille mais elle était un peu stricte et dure quant aux devoirs. M’enfin, je n’avais personnellement pas trop à me plaindre puisqu’en général j’avais d’assez bonnes notes mais je plaignais plutôt les autres qui se faisaient saquer. Je me levai et pris une longue douche bien chaude. Ca faisait un bien fou de se dire qu’on avait pas besoin de stresser, qu’on pouvait prendre son temps et que personne ne nous râlerait dessus pour un quelconque retard. J’enfilai une serviette autour de moi et allai à mon armoire pour, pour une fois, prendre le temps de choisir mes vêtements en m’appliquant, même si au fond je savais pertinemment que j’allais opter pour un jean et un T-Shirt. Je pris mes vêtements, m’habillai et me coiffai. Je me maquillai ensuite légèrement et je pris mon sac qui contenait un simple bloc-notes ainsi qu’un crayon de papier accroché au bloc. Je recopiais toujours tout au propre à la maison mais là, je devais commencer mon devoir au brouillon. Je partis pour la bibliothèque, mon sac en bandoulière sur moi. J’y passai un long moment puis l’heure d’aller au théâtre arriva. Après une forme de théorie, la pratique! Je quittai la bibliothèque et partis direction le théâtre, mon endroit préféré avant la cafétéria.

On dit quelques exercices d’échauffements. Monsieur Stevenson était l’un des meilleurs professeurs de théâtre que je n’avais jamais eu. Et pour vous dire, j’en avais déjà côtoyé quelques uns. Après les exercices durant lesquels nous avions beaucoup rit, on a pu commencer la répétition pour éventuellement une pièce de fin d’année. J’aimais le théâtre. C’était ma passion depuis quelques années. Quand je pensais qu’à l’heure actuelle, je serais peut-être encore en Italie à suivre des cours dans un cursus général, ça me faisait sourire. Si ce jour là, je n’étais pas entrée, je n’en serais pas là aujourd’hui. Le théâtre… Il existait tellement de pièces, plus ou moins connus; tellement de genres, plus ou moins appréciés! Ce que je préférais? Je n’en savais trop rien. Les pièces classiques étaient certes très simple à comprendre et relataient la plupart du tout la société du temps où elles furent écrites mais les pièces de l’absurde par exemple étaient bien plus profondes même si elles semblaient incompréhensibles. Nous répétions une pièce de William Shakespeare. Un auteur qui a su traverser tout les temps, toutes les générations et attirer tout le monde. C’était impressionnant. On s’entrainait sur une pièce de Shakespeare pour tenter de la rendre et de l’interpréter totalement différemment. Autant dire que pour rendre une pièce classique différente, c’était pas du gâteau.

En plein milieu du cours, on entendit la porte s’ouvrir mais on ne s’arrêta pas pour autant. Le théâtre, c’était aussi ça: ne pas s’interrompre au moindre dérangement. Surtout que si on s’était arrêté à chaque fois que quelque chose génait, on aurait jamais pu répéter vu que la fille qui venait d’entrer n’avait cessé de prendre des clichés. Cela me mit d’ailleurs quelque peu mal à l’aise. J’avais certes l’habitude d’être observée mais je n’aimais pas beaucoup être prise en photos. Surtout que j’avais entendu parler d’une histoire de pub pour l’université et je devais avouer que si c’était des photos pour ça, ça ne me plaisait pas beaucoup. Le professeur nous accorda une pause. Je descendis de scène et allai directement à mon sac pour y prendre ma bouteille d’eau quand la fameuse fille vint m’aborder en s’excusant de me déranger et en disant qu’elle tenait à me dire que j’étais très photogénique. Moi? Très photogénique? Je la regardai, la laissant continuer à parler et elle m’informa qu’elle avait pris pas mal de photos de moi et que ça rendait bien. Elle me tendit ensuite son appareil en me disant que je pouvais regarder si je voulais. J’hésitai puis je souris doucement en prenant l’appareil en main et en parcourant les clichés. Tout en continuant à regarder, je répondis:

-Les photos sont très jolies. Rassures moi, ce n‘est pas pour cette histoire de pub, hein?

Je souris doucement, génée. Je terminai de regarder les photos et lui rendis son appareil puis lui tendis ma main pour me présenter, dans un sourire un peu plus grand que les précédents:

-Je m’appelle Calista. Calista Preston.

Certes, les photos me plaisaient. Je n'allais donc pas dire le contraire, cela aurait été ridicule. Par contre, une question me tracassait. Les photos que la jeune femme venait de prendre étaient elles pour la pub pour l'université? Cela m'intriguait et je devais avouer que j'espérais au plus profond de moi-même qu'elle allait me répondre que non, que c'était juste pour un travail dans l'un de ses cours ou encore simplement pour s'entrainer et se perfectionner. Sa réponse m'arracha une grimace. C'était exactement pour la pub qu'elle était là. Elle n'aurait pas pu me dire autre chose? Elle m'informa qu'on lui avait confié cette mission et me demanda si ça me gênait:

-En fait, je... Je n'aime pas trop voir les photos de moi. Je sais que je devrais être habituée aux regards des gens, mais les appareils photos me font en quelque sorte un peu peur.

Je ris doucement et la jeune femme en face de moi devait me prendre à l'heure actuelle pour une pauvre folle. C'était vrai quoi! Qui, aimant être sur les planches, habitué aux regards des gens fixés sur soi, n'aimait pas être pris en photos? Ca pouvait paraitre stupide mais j'étais simplement comme ça. Et quitte à avoir l'air ridicule, je demandai:

-Tu crois que ça serait possible que tu ne présentes pas celles où je suis dessus?

Je souris doucement, tout de même génée par ma demande. Surtout que je figuerissais sur pas mal des photos et c'était embêtant de lui demander ça parce que du coup, ça réduisait le nombre de possibilités quant aux photos à proposer pour la pub. Je me présentai ensuite, lui tendant ma main. J'avais l'habitude d'être polie, tout en restant d'une certaine façon impersonnelle. Elle me dit être enchantée de faire ma connaissant, précisant que Calista était un joli prénom. Je souris à ce compliment tandis qu'elle se présentait à son tour, tout en nous serrant une poignée de mains.

-Merci. Séréna, c'est très joli aussi. Et ravie de te rencontrer également.

Je suivis ensuite son regard et je vis qu'il s'arrêta un instant sur mes feuilles avec le texte de la pièce que nous devions jouer. Je souris lorsqu'elle dit que nous avions un très bon thème, car elle adorait Shakespeare. Je ne pus m'empêcher de jouer ma fana de théâtre, contente de pouvoir en parler avec quelqu'un d'autre qu'une personne de mon cours de théâtre, et je lui demandai donc, en souriant:

-Vraiment? Et quelle est ta pièce favorite?

J'avais demandé à Séréna s'il était possible qu'elle ne montre pas les photos où j'étais dessus. Elle me répondit qu'il comprenait ce que je pouvis ressentir, que je n'aimais pas me voir et que si elle me filmait, elle était sûre que je répondrais la même chose. Elle n'avait pas tort. En fait, je n'aimais pas les regards posés sur moi, d'où ma discrétion naturelle. Mais le théâtre était ma passion et dans ces moments là, j'en oubliais le regard des gens. Je faisais ce que j'aimais, je me sentais totalement dans mon élément et c'était tout ce qui comptait à ce moment là. Certes, ce n'était pas du cinéma, mais nous, jeunes gens du théâtre, on fournissait malgré tout du rêve aux gens, grands et petits. Ca pouvait paraitre être un art ringard, mais ça m'était égal parce que ça ne l'était pas. Et c'était super pratique ensuite pour mentir sans que les autres ne le remarquent par exemple. Elle me répondit alors négativement, disant qu'elle était désolée mais qu'elle ne pouvait pas faire ça car j'apparaissais sur un bon nombre de clichés, précisant qu'elle était sûre que les gens me trouveraient magnifique de toute façon et que ça rendra encore mieux si en plus elle faisait une bonne mise en page. Je souris doucement:

Et si tu prenais une autre classe de théâtre à la place de la mienne? (a)

Bah quoi? Elle ferait son travail correctement et je ne serais pas sur les photos. Tout le monde y gagnait non? Et puis, qui ne tentait rien n'avait rien. Au pire elle dirait qu'elle n'a plus le temps ou je ne sais quoi. J'essayai, on ne savait jamais. Séréna m'avait dit qu'elle adorait Shakespeare et je lui demandai donc quelle était sa pièce favorite. Honnêtement, je m'attendais à la réponse qu'elle me donna. Beaucoup, la majorité des personnes en fait, aimaient cette pièce. Et c'était tellement compréhensible! Romantique à souhait, l'amour impossible entre Roméo et Juliette, cette fin tragique et si émouvante! Ca vous prenait aux tripes comme on disait! Notre coeur en était de suite touché, c'était si... Profond et magnifique. Toutes ces preuves d'amour... Toutes les filles rêvaient de trouver ce prince charmant qui se sacrifierait pour elle, qui ne pourrait effectivement pas vivre sans elle... Malheureusement, rares étaient les hommes qui ressemblaient à Roméo et nos rêves de petites filles tombaient bien vite à l'eau. Je partis quelque peu dans mes pensées mais Séréna m'en sortis en me demandant si j'en avais une que je préférais. Je souris doucement:

-Je suis une passionnée de théâtre, j'aime de très nombreuses pièces. Mais je t'avoue que je suis une des nombreuses fans de Roméo et Juliette. Surtout pour la jouer, c'est génial. En dehors des pièces à jouer, qui sont classiques, j'aime beaucoup l'absurde. Mais peu importe, j'ai répondu à ta question donc.

Je ris doucement. Je m'étais de nouveau laissée entrainer par ma passion mais je m'étais arrêtée avant une longue tirade que j'avais faillis commencer. Je souris doucement, génée par mon élan que j'avais du arrêter pour ne pas l'ennuyer ^^'

J'avais une nouvelle fois tenté d'échapper aux photos en lui demandant si elle ne pouvait pas choisir une autre classe pour faire les fameux clichés qui devaient apparaitre sur les prospectus de pub pour l'université. J'aimais cette école et je n'étais pas contre le fait de faire de la pub. L'université était superbe, les professeurs géniaux et l'école était réputée! Alors bien sûr que je serais ravie que de nouveaux étudiants viennent s'y inscrire! Mais j'étais contre le fait que je fasse partie des photos pour la pub. Je détestais me voir en photos, c'était plus fort que moi! Mais une fois de plus, ma requête fut rejetée pour cause de timing. Elle précisa qu'en plus il paraissait que c'était notre classe qui avait le meilleur niveau. Je devais avouer que les professeurs nous le répétaient souvent que nous étions les meilleurs mais je n'en croyais pas un mot. Tout les étudiants de cette université l'avait intégrée pour leurs talents, que ce soit en musique, dessin, mode, photo, danse théâtre ou encore cinéma. J'étais sûre qu'il y avait des élèves bien plus doués que nous dans une des autres classes, j'en étais même persuadée et convaincue. Je soupirai doucement en répondant:

-Il ne faut pas toujours croire les "il parait"...

Je souris doucement. J'avais voulu lui faire comprendre que ce n'était qu'une rumeur et qu'il ne fallait pas toujours se fier aux rumeurs même si parfois elles s'avéraient vraies. Je lui avait demandé quelle était sa pièce favorite de Shakespeare et comme un grand nombre de personnes, elle me répondit que c'était Roméo et Juliette. Je l'informai que j'aimais particulièrement cette pièce aussi mais que la jouer était encore mieux. Quand on la jouait, on sentait les choses d'une manière plus forte, plus intense. Ca nous prenait aux tripes, ça nous prenait au coeur... Comment rester insensible en la jouant? C'était impossible. Une pièce comme ça, classique et tragique, c'était magnifique. Et toutes les filles rêveraient d'avoir un homme prêt à se sacrifier pour elle, juste pour ne avoir à vivre sans leur présence... Quelqu'un qui vous aime comme ça, ne serait-ce pas merveilleux? Bien sûr, ça le serait du moment qu'on a pas besoin d'en arriver jusqu'à la fin où les deux âmes soeurs se perdent finalement par la malchance du hasard, si je puis dire. Elle me répondit qu'elle était ravie de voir que j'aimais également cette pièce et qu'elle était sûre que la jouer était super, déjà que de la voir c'était chouette. J'hochai la tête en guise de réponse et un sourire aux lèvres. J'aimais le théâtre... Tout simplement. Elle me demanda alors si elle m'ennuyait et je fronçai les sourcils, mon sourire s'évanouissant de mes lèvres. Elle m'expliqua qu'elle disait ça parce que j'avais coupé court à ma dernière phrase et que si je le désirais, elle pouvait toujours repartir au fond de la salle et attendre que la répétition reprenne. Je m'empressai de lui répondre, en souriant doucement:

-Oh non non non! Ce n'est pas toi le problème, rassure toi. En réalité, quand je commence à parler de théâtre, je pourrais en parler durant de très longues heures et je ne voulais pas t'ennuyer justement. Je suis désolée que tu ais cru que tu me dérangeais.

Je savais que j'avais du talent, ne serait-ce qu'une étincelle. Je ne pouvais que m'apercevoir que je valais un minimum sinon jamais je n'aurais pu intégrer une telle université! Mais je n'aimais pas parler de mes capacités, étaler tout ça en public. Pratiquer un art dans lequel on se sentait bien était certes plaisant, ça nous donnait l'impression d'avoir un but dans la vie. Mais je restais avant tout moi-même. Il m'arrivait de jouer des personnages qui étaient totalement mes opposés, telle qu'une femme mondaine, une bougeoise ou, pour faire dans le théâtre plus récent, une fille qui se vante et est prétentieuse. Ca ne m'empêchait pourtant pas d'être moi, simplement: Calista, la fille simple et discrète que personne ne connait vraiment en dehors de son cours de théâtre. J'avais vécu dans la vie des choses qui m'avaient profondément changée et je crois que jamais je ne pourrais devenir une autre fille... Jamais.

Elle me répondit qu'elle n'écoutait pas les rumeurs mais que là, elle pouvait juger d'elle-même et elle me confirma qu'on était une très bonne classe. Je la gratifiai d'un sourire. Parler de nos compétences, aux autres étudiants de ma classe et de moi-même, me génait. Je tentai donc de changer de sujet. Puis finalement, je rassurai Serena qui avait cru qu'elle me dérangeait, ce qui était loin d'être le cas. Ca me faisait du bien de parler un peu de théâtre à quelqu'un d'autre qu'à ceux qui le pratiquaient et mon professeur. Après l'avoir rassurée, je pus voir que son sourire réapparut sur son visage et je souris également tandis qu'elle me disait que je l'avais tout de même quelque peu rassurée et qu'elle savait que parfois elle pouvait se montrer collante. La jeune brunette me précisa que si jamais c'était le cas, je devais le lui faire savoir et laisserait, ce qu'elle comprendrait très bien d'ailleurs. Je souris doucement. J'aimais la solitude parfois, c'était bien vrai. Mais pas toujours non plus. Je n'eus pas le temps de répondre qu'elle reprit la parole, en me disant cette fois-ci qu'elle comprennait ce que je pouvais ressentir en parlant de théâtre. Elle m'intrigua et j'écoutai attentivement la suite, alors qu'elle enchainait en disant que c'était un sujet qui me passionnait et que c'était pareil pour elle, ou du moins qu'elle le croyait, quand il s'agissait de photographie ou encore de musique. Je souris car j'étais ravie que l'on me comprenne. Je repris enfin la parole:

-Sache que si tu me gènes, je te le ferais savoir, ne t'en fais pas. Mais par contre, le cours va bientôt reprendre. Tu suis aussi des cours de musiques ou tu ne fais que de la photographie?