« Pourquoi tu souris tout le temps ? » « Tu as déjà tenté de demander à un aveugle pourquoi il voulait recouvrer la vue ? » « Euh non m’enfin Maël, ça n’a aucun rapport.. » Elle était bien la seule à pouvoir me nommer ainsi. Ma petite sœur, toute mon existence, sans elle je n’étais finalement pas grand-chose. « J’ai l’impression de respirer quand je souris. C’est vital. Et puis.. je préfère que maman voit un sourire du ciel plutôt qu’une petite moue triste. Mh ? Arrange-moi ça. Sois fière. Montre que tu deviens une p’tite femme. » Je déposai un baiser sur sa joue en souriant doucement. J’étais rarement sérieux, mais quand il s’agissait de la réconforter, je faisais de mon mieux. « Tu n’as pas le choix de sourire. Tu ne veux pas qu’on sache que ça ne va pas, n’est-ce pas ? Et puis.. tu es tellement plus jolie quand tu montres toutes tes dents ! » Elle frappa mon épaule, signe que ça allait déjà un peu mieux. Je l’attirai contre moi et soupirai doucement. C’était ça, ma règle de vie. Ne jamais laisser paraître que ça n’allait pas, sinon c’était foutu et je finirais par me casser la gueule ou me brûler les ailes. Carpe Diem.

« Aiden, il faut qu’on parle. » J’avais toujours eu horreur de ces mots. Mots qui en quelques secondes arrivaient à me faire perdre mon sourire légendaire, ce sourire parfois forcé mais qui passait partout. Je regardai mon copain en me mordant la lèvre. « Qu’on parle ? Qu’est-ce qu’il y a.. ? » « Tu m’énerves. Quand j’suis avec toi, j’ai l’impression d’être diminué. Je sais que.. cet accident n’a pas été facile pour toi. Que tu as du mal à te faire au fait que j’sois en fauteuil. Mais bordel Aiden.. et moi alors ? J’en ai marre que tu fasses tout pour moi alors que j’peux me démerder. Je me sens juste minable ! J’ai pas besoin de ça.. je.. on a vécu des moments géniaux mais.. » Je retenais difficilement les larmes qui ne demandaient qu’à sortir de mes yeux. J’étais amoureux de ce garçon. Il avait été une partie de ma vie. Cela dit, il n’avait pas tort. Depuis qu’il était en fauteuil, j’avais eu tendance à le surprotéger, chose qu’il ne supportait déjà pas avant. Pour ne pas qu’il me voit, je détournai le regard. J’avais appris à ma sœur à sourire en toute circonstance, je me devais d’en faire autant. Et pourtant.. il me déchirait le cœur. Si bien que j’aurais préféré qu’on me l’arrache et qu’on l’écrase une fois à terre, ça aurait été sans doute beaucoup moins douloureux. Me retournant finalement de nouveau vers lui : « Je.. j’t’en prie.. laisse-moi une autre chance ! Je vais changer.. » Mais il secoua la tête. « Je sais que tu ne peux pas. C’est dans ta nature. Et beaucoup aimeront ce côté-là de toi.. j’te souhaite d’être heureux Aiden.. » Lui aussi il avait mal. Sa voix était tremblante et il hésitait entre tenir ma main ou bien se montrer distant. Finalement, je me relevai et m’en allai sans rien dire davantage, manquant les cours pour le reste de la journée. Le lendemain, je retournai en cours, un sourire aux lèvres. Eh oui, il fallait. Tout cela ? C’était il y a deux ans.

Vingt ans. A vingt ans, on est responsable, mature. On commence à comprendre les choses de la vie. Du moins.. la plupart des gens fonctionnent ainsi. J’ai dû raté quelque chose, ou alors mes parents ne m’ont pas éduqué assez sérieusement, j’sais pas trop. J’aime toujours autant rire que quand j’étais adolescent, j’aime aussi faire des blagues débiles et le faire sortir de ses gonds. Le faire enrager en lui donnant des défis stupides. Parfois perdre les siens. Lui ? C’est Kyle. Ce gros loser avec qui j’passe pas mal de temps. C’est un peu paradoxal je sais, mais il m’occupe ! En vrai on rigole bien. Même si on se frappe parfois dessus. Y’a des jours où il m’insupporte. Et d’autres où j’apprécie à peu près sa compagnie. Bien sûr, j’compte pas aller lui dire, il serait trop fier. Surtout que j’ai encore l’goût des croquettes qu’il m’a fait bouffer dans la bouche. Beurk..