Une nouvelle journée qui s'achève, les cours sont terminés, j'ai eu danse pendant deux heures. J'adore lorsque je termine pas ça, cela me permet de me défouler. Oui, la nuit dernière j'ai encore eu droit à mes sacrosaints cauchemars, ça commence vraiment à devenir pénible, si ça continue je vais finir par me saouler tous les soirs, comme ça peut-être que je serais assommé et que je passerais une nuit tranquille. J'ai demandé à mon prof de danse si je pouvais rester un peu plus longtemps, il était déjà dix-huit heures, mais j'avais besoin de me vider le cerveau et je n'ai pas trente-six moyens de le faire, la danse et rien d'autre. Il accepta en me disant de donner les clés au concierge quand j'aurais terminé. Je le remerciais d'un signe de tête et appuyais sur le bouton de la télécommande de la chaîne stéréo, je me plaçais devant le miroir et j'enchaînais les mouvements au rythme de la musique, me concentrant uniquement sur le son, sur la joie que j'avais de danser. On ne voit pas le temps passer lorsque l'on s'amuse et vingt heures sonnaient déjà.

Je remis tout en place et sorti de la salle dont je refermais la porte à clé, je passais ensuite à la conciergerie déposer les clés et lorsque ce fut fait, je regagnais ma chambre et passais sous la douche. Ce n'était pas du luxe. Bref, une fois que je fus de nouveau propre, une question se posait à moi. Que pouvais-je bien faire un vendredi soir ? J'appelais Duncan, pour savoir s'il n'aurait pas une idée, mais je tombais sur sa messagerie. Je raccrochais sans laisser de messages. "Décoinces-toi" me dit-il souvent. D'accord, moi je veux bien mais comment faire et puis, je n'ose pas trop. Non mais regardez-moi, on est Vendredi soir et je suis dans ma chambre en train de me poser des questions existentielles. Je sais ce que je vais faire, je vais sortir en ville, je vais bien trouver un bar quelconque où passer la soirée. Fort de cette décision, je regardais dans mon placard mural ce que j'allais pouvoir mettre. Pas un truc trop habillé, mais pas quelque chose de trop simpliste non plus. J'optais pour une chemise blanche dont je laissais les trois premiers boutons ouverts et un pantalon noir.

Lorsque je fus habillé, je sortis de la résidence et me promenais au hasard des rues. Je ne savais pas trop où je pourrais aller, je connaissais bien la ville depuis le temps que j'y étais, mais je ne passais pas mes soirées dans les bars, ce n'était pas trop mon style. Je saluais de la tête deux ou trois connaissances que je croisais et qui étaient très étonnés de me voir de sortie à cette heure-là. Ce n'est pas de ma faute si je préfère les soirées avec un bon livre plutôt que les sorties. D'aussi loin que je me souviennes, j'ai toujours été comme ça, très renfermé sur moi-même. Il faut dire que ce qui m'est arrivé lorsque j'avais quinze ans ne m'a pas spécialement aidé à m'extérioriser. Je sais qu'il faut que j'oublie, cela fait cinq ans que ça s'est passé, mais il faut croire que certaines blessures sont plus longues à cicatriser. Enfin bref, je ne penserais pas à ça ce soir, non, ce soir je vais m'amuser... tout du moins je vais essayer.

Je regarde ma montre, il est bientôt dix heures, je me demande si je ne m'y suis pas pris un peu tard pour faire ma soirée. Je tournes la tête et je vois un bar qui forme l'angle d'une rue, il semble peuplé mais trop, il y a l'air d'y avoir une bonne ambiance, c'est décidé, c'est ici que j'irais. J'entre dans l'établissement et m'approche du comptoir où je m'installe à côté d'un jeune homme, je le salue d'un signe de tête et je souris à la barmaid en lui demandant un martini. Elle le pose devant moi, je la remercie et commence à boire une gorgée, puis je balaye la salle du regard.

D'ordinaire je ne vais pas trop vers les gens, mais je sais qu'il faudrait que ça change alors, je prends mon courage à deux mains et esquisse un sourire vers mon voisin de tabouret.

- Salut, je m'appelle Gray... Gray Braam

Bon sang, j'ai le coeur qui palpite à une vitesse folle, il ne manquerait plus que j'ai les joues rouges tiens.

C'est vraiment pénible d'être timide comme je le suis, je fais très rarement le premier pas, en même temps, d'ordinaire je n'en ai pas spécialement besoin, c'est juste que là, étant donné que mon voisin de comptoir était seul tout comme moi, je me suis dit que ce serait stupide de rester là sans rien dire. La pensée de Duncan assistant à cette scène me tira un sourire amusé. Lui qui me reproche tout le temps de ne jamais aller vers les gens, de continuer à faire le sauvage limite associal. Je ne suis pas associal, j'ai des amis, j'ai même une meilleure amie, mais les trois quarts du temps ce sont eux qui sont venus vers moi. Je commençais à me dire que j'aurais mieux fait de me taire, que j'avais fait une erreur en abordant cet homme, il ne semblait pas spécialement avoir envie de parler puisqu'il ne me répondait pas. J'allais partir lorsqu'il se présenta enfin à son tour. Si j'avais osé, j'aurais poussé un soupir de soulagement.

Je souris donc à Nolan une fois qu'il s'était présenté. Bon je savais son nom, me voilà avancé, que pouvais-je bien dire pour enchaîner ? Je vous l'ai dit, je suis une vraie plaie en ce qui concerne les relations humaines, je buvais donc un peu de mon verre. Je n'étais pas très branché alcool, je me contentais d'un truc pas trop fort, il n'y avait aucune raison particulière à cela, c'est juste que je n'aimais pas vraiment le goût. Apparement, mon voisin en avait décidé autrement puisqu'il me commanda un verre en même temps que lui, un double rhum... quelle horreur, je n'aime pas le rhum. Je sais cependant qu'il est très impoli de refuser un verre qu'on vous a offert alors j'esquisse un sourire pour le remercier.

- Oh euh... merci.

Enfin il fallait quand même que je termine mon premier verre avant de commencer le deuxième, c'est donc ce que je fis, j'avalais cul sec le reste de mon martini et fis la grimace tandis que je sentais le liquide me couler dans la gorge. Je regardais le verre que j'avais devant moi et me demandais pourquoi Nolan ne m'avait pas commandé un deuxième martini par exemple, enfin peu importe, je plongeais mes lèvres dans le rhum...argh, c'était beaucoup trop fort pour moi. Tant pis, je devais boire, je pris une gorgée et je l'avalais. Une chose était certaine, je mettrais énormément de temps avant de terminer ce verre. Bon il fallait que je trouve quelque chose à dire parce que mon voisin était peut-être souriant mais niveau conversation il était encore pire que moi.

- Et tu fais quoi dans la vie ? Moi j'étudie la danse à l'Université.

Oh bon sang, on ne pouvait pas faire plus bateau et surtout plus stupide comme sujet de conversation. D'accord, c'est décidé, s'il ne se décide pas à me faire plus de trois mots dans sa prochaine phrase, je partirais d'ici et je retournerais m'enfermer dans ma chambre, là où je suis le mieux.