Aujourd'hui, la matinée était passée relativement vite, c'est l'avantage lorsque l'on suit un cursus qui nous plaît, tous les cours sont extrêmement intéressants et de ce fait, on ne voit pas passer la journée. Après m'être levé de bonne heure, j'avais filé sous la douche où j'avais fait couler l'eau plus longtemps que d'habitude, j'avais encore fait ces maudits cauchemars, comment cela était-il possible, cela faisait cinq ans que c'était arrivé, cinq ans que Jason m'avait... arg je n'ose même pas dire le mot, j'en tremble encore, est-ce qu'un jour je pourrais occulter cette souffrance que m'occasionne le simple fait de penser à ce fameux soir. Je ne le sais pas, je n'ai parlé de cette histoire à personne. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée, peut-être la honte de ne pas avoir pu me défendre, la honte d'avoir été si naïf, de lui avoir fait confiance. Pour ma défense, je dirais simplement que je l'aimais, tout bêtement, alors oui j'avais confiance en lui. Il faut croire que je n'aurais pas dû. Enfin bref, une fois ma douche terminée, j'avais sauté dans mes vêtements, un jean bleu et un t-shirt noir puis j'étais allé prendre le petit-déjeuner à la cafétéria de l'Université. Une fois ce repas avalé, j'avais envoyé un message sur le portable de Leila ma meilleure amie, ne l'ayant pas encore croisé dans les couloirs, je lui demandais de me rejoindre à l'heure de midi au Starbuck, j'avais envie d'aller y manger et je l'invitais à se joindre à moi.

Je n'avais pas cours de l'après-midi, j'aurais donc tout le temps que je souhaite pour manger tranquillement. Même Leila n'est pas au courant pour ce qu'il s'est passé il y a cinq ans, ce n'est pourtant pas faute d'essayer, j'ai bien tenté de lui dire, mais à chaque fois je bloquais, ou alors j'en étais empêché, cela faisait comme si je n'avais pas le droit de le dire et que dès que je m'apprête à le faire une espèce de force extérieure m'en empêche. Pourtant, cela pourrait peut-être me faire du bien de lui en parler, non ? Je n'en sais rien moi-même. Au programme de la matinée, c'était histoire et danse, mes deux matières favorites. Une fois ces deux cours terminés, j'eus donc le reste de la journée pour moi. Je sorti de la fac et je me mis en route, direction le Starbuck.

Arrivé sur place, je m'installais en terrasse, il faisait beau, je pourrais donc voir Leila arriver. En l'attendant, je consultais les menus pour faire une pré-sélection de ce que j'allais manger. Lorsque je sus ce que je voulais prendre, je relevais la tête et, juste à ce moment-là, je vis mon amie qui arrivait. Je me levais de ma chaise et lui fit signe.

- Leila !

Lorsque Leila arriva, nous nous fîmes la bise puis, tandis qu'elle s'asseyait en face de moi, je me réinstallais à ma place.

-Gray je suis contente de te voir, comment tu vas?

- Moi aussi je suis content de voir, on a pas trop eu le temps de se parler ces derniers jours toi et moi. Je vais bien... enfin j'ai quelques problèmes d'insomnies mais rien de bien méchant. Et toi, comment vas-tu ?

Oui d'insomnie, c'est à peu près ça, enfin disons plutôt de cauchemars récurrents. J'ai tout essayé pour les faire disparaître, des méthodes dites "de grand-mère" aux somnifères, rien y fait. Heureusement que j'arrive quand même à me reposer un peu, sinon je ne pourrais jamais tenir le coup en cours. Il m'arrive aussi de faire des siestes lorsque j'ai une heure ou deux de pause entre les cours, cela me permets de me requinquer un peu. La serveuse vint nous voir pour nous demander si on voulait prendre quelque chose à boire avant de manger. Je lui demandais un verre de jus d'orange et j'attendis que Leila demande ce qu'elle voulait. J'allais prendre la parole lorsque mon portable vibra. Je m'excusais auprès de mon amie et regardais le message inscrit sur mon téléphone. Il venait de ma mère, elle me demandait comment j'allais, si mes études se passaient bien, enfin ce genre de chose. Je n'ai jamais dit à mes parents ce qu'il s'était passé, pourquoi j'ai subitement décidé de venir à New York il y a cinq ans, ma mère croit que c'est parce que je veux me rapprocher du reste de la famille... si elle savait.

Ils n'ont aucune idée de mon orientation sexuelle et je crois qu'ils ne le sauront jamais, cependant, ils savent le contenu de mon cursus scolaire. Oui, une gaffe de mon oncle, enfin une gaffe un peu faite exprès mais peu importe, mes parents sont en Espagne avec mes frères, d'où je suis je ne les entends pas, ce n'est pas plus mal. Je fini de rédiger une réponse au message de ma mère et je l'envoie puis j'éteins mon portable et le range dans ma poche, je lève les yeux vers mon amie en lui faisant un sourire d'excuse.

- Je suis désolé, c'était ma mère, il faut toujours que je lui fasse un rapport sur mon état de santé.

Entre temps, la serveuse nous avait amené nos commandes. Je bus une gorgée de mon jus d'orange et je reposais le verre sur la table.

- Alors dis-moi, tu as trouvé ce que tu allais manger ?

Leila allait me questionner sans doute sur la cause de mes cauchemars, pouvais-je le lui dire ? Je n'avais encore jamais osé en parler, je me sentais coupable, oui coupable parce que je n'avais pas réussi à me défendre, à le faire s'arrêter. Heureusement mon portable avait vibré et cela avait détourné, pour un temps, la conversation. Je m'en étais excusé auprès de mon amie.

-Elle tiens à toi et ça doit lui faire bizarre de te savoir si loin. Elle prend soin de toi

- Oui, tu as sans doute raison.

J'esquissais un sourire. Si ma mère savait pour moi, est-ce qu'elle m'aimerait toujours autant ? C'est affreux mais quelques fois j'ai des doutes à ce sujet. Bien sûr c'était valable pour mon père. S'il savait que j'aime les garçons et qu'en plus mon dernier petit ami avait abusé de moi, il me mettrait probablement à la porte avec un coup de poing en prime.

-Je vais prendre une salade Océane et toi tu prend quoi?

- Je vais prendre la même chose que toi, je n'ai pas super faim ce midi.

Je regardais à nouveau le menu pour confirmer mes dires. Effectivement, rien d'autre ne m'attirait. Je reposais donc le menu sur la table et regardais Leila en souriant. Mon sourire se fana bien vite une fois qu'elle eut posé sa question. Leila est ma meilleure amie et pourtant je n'ai jamais réussi à lui dire pour Jason et moi, c'est comme si une force mystérieuse m'empêchait de le faire, comme si je n'avais pas le droit de le lui raconter. Je sais que c'est idiot de penser ainsi, mais honnêtement c'était ce que je commençais à ressentir. Je baissais un peu les yeux.

- Et bien... c'est un peu déllicat, c'est... c'est quelque chose qui m'est arrivé il y a cinq ans... tu sais, ce que je n'arrive jamais à te dire. Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en toi... c'est juste que... je me sens si mal par rapport à cette histoire.

Et puis je ne voulais pas que Leila se détourne de moi parce que je n'étais pas fichu de me défendre. Oui, c'était Jason le coupable mais c'était moi qui avait honte, c'était un peu le monde à l'envers, non ?


- Personne n'est au courant... pas même ma famille. Ils ne savent pas pour quelle raison j'ai brusquement quitté le domicile familial il y a cinq ans... et je crois qu'il ne le sauront jamais.

Je relevais mon regard vers mon amie, je me sentais déjà frissonnant, rien à qu'à repenser à cette histoire. Je devais lui en parler, il le fallait. Juste à ce moment-là, le serveur arriva pour prendre notre commande. Je nous demandais les deux salades Océane puis je reportais mon attention sur Leila, attendant un signe, un encouragement de sa part peut-être, qui m'aurait incité à parler.