Certaines personnes s’amusent à se donner un genre, en s’inventant une vie abracadabrante. La vie de Charlie n’a rien d’extraordinaire, ou presque. Elle est née il y a vingt ans, dans l’état d’Ohio. Elle a toujours aimé cette région pour son dynamisme mais aussi pour sa facette à privilégier les espaces verts. Rare sont les jeunes filles de son age à se sentir proche de la nature. Pourtant elle, elle y retrouve un certain calme qui a toujours su l’apaiser lorsqu’elle se sentait troublée.

Élève studieuse et fierté de ses parents, la jeune femme a toujours entretenu de bons rapports avec sa famille. Pétillante et fraîche, elle ne ronchonne jamais pour donner un coup de main, au contraire elle trouve ça normal. Surtout que la notion du mot famille pour Charlie a une très grande valeur dans son cœur. Vous savez, un peu comme des les pays asiatiques où on fait passer sa famille avant tout et où le mot d’ordre est la solidarité. C’est pourquoi, lorsqu’ils étaient dans le besoin, Charlie n’hésitait pas à demander du travail pour reverser son salaire à ses parents. Malheureusement, le goût de son père pour les jeux s’agrandissait à cause des problèmes économiques qui touchaient le pays. La crise touchait de pus en plus d'américains et Monsieur Hewer était bien loin de cette infime chance de s'en sortir. Sachant que son poste était en danger, son moyen de gagner de l’argent, c’était les jeux. Bien évidemment, l’inverse se produisait, et au lieu de faire fortune dans ce drôle d'hobby, il y perdait tout son argent.

A la fois honteux, mais aussi complètement saisit par la panique, Monsieur Hewer chercha à dissimuler à sa femme et à sa fille, les courriers qu’ils recevaient où on les menaçait de faire venir les huissiers. Mais il fallait bien qu’un jour, la vérité éclate. Un jour, Charlie cherchait dans la maison un papier qu’elle devait rendre à l’administration de son école. Mais à défaut de n’avoir jamais mis la main dessus et d’avoir retourné la maison pour le retrouver, elle fit tomber un petit tas de courrier marqué d’un tampon rouge, indiquant en lettres majuscules : URGENT. Poussée par la curiosité, elle se mit à ouvrir le courrier, lisant chacune des lettres. Plus elle les lisait, et plus elle avait l’impression que le monde allait s’écrouler. A croire que c’était bel et bien un magnifique crescendo de nouvelles, puisqu'elle put lire dans la dernière lettre :

« Madame Monsieur Hewer, résidant à l’état d’Ohio, ayant à leur charge leur fille Charlie Hewer, adoptée en 1981 à … »

* Non, c’est impossible ! Ce n’est qu’un mauvais rêve, je vais me réveiller ! Je vais me réveiller maintenant ! *

Charlie ferma les yeux tellement forts qu‘elle en voyait des étoiles. Elle n’avait pas non plus lâcher cette fameuse lettre, porteuse de mauvaise nouvelle. Après avoir compter jusqu’à trois, et d’avoir ouvert les yeux, elle se rendit compte qu’elle était bel et bien coincée dans la réalité avec cette maudite vérité. Comment avaler en quelques secondes que les dix neuf années qu’elle venait de vivre, n’était en réalité qu’un long tissu de mensonge. Ses mains lâchèrent finalement le papier, le lassant giser au sol avec tout le reste du courrier marqué du mot urgent, puis elle quitta son foyer en courrant. Oui, elle était en train de fuir sur un coup de tête, sans même demander des explications à ses soi disant parents.

Instinctivement, elle gagna le petit bois qu’elle aimait tant. Mais elle savait bien qu’en se cachant là, ses parents la retrouveraient. Tout le monde connaissait son petit nid secret. Malgré tout, cela ne l’empêcha pas à se caler entre deux troncs d’arbres pour y pleurer. Elle ne savait pas combien d’heures elle était restée là à pleurer, mais comme si on lui envoyait de l’aide, un jeune homme alla à sa rencontre. Ses vêtements étaient salis par la terre, son visage égratigné et il avait une canette de bière à la main. Il s’approcha doucement vers Charly qui était bien trop perdu dans ses pensées pour le voir. Il se pencha vers elle, tentant tant bien que mal à capter son regard et n’y parvenant pas, il lui tendit la main. «  Une fille comme toi, ne devrais pas rester ici seule à pleurer. » Charlie leva ses yeux mouillés vers son interlocuteur. Il semblait un brin casse cou, mais totalement inoffensif. Il devait avoir son age, et tout comme elle, il traînait seul dans le petit bois de la ville. Elle prit sa main et se releva. Il en profita pour se présenter, son nom était Shay.

Jusqu’ici, ce garçon était un inconnu pour elle, et pourtant, elle passa plusieurs jours avec lui avant de rentrer chez elle. Il lui fit découvrir un peu tout ce qu’elle n’aurait jamais touché jusqu’à maintenant. Tabac, alcool et même la drogue. Bizarrement, elle trouvait à travers toutes ses choses un échappatoire séduisant, qui l’aidait à tout oublier.

Lorsqu’elle rentra chez elle, une semaine plus tard, c’était pour annoncer à ses parents qu’elle quittait la ville. Elle partait à New York avec celui qu’elle avait rencontré il y a peu. Il lui avait parlé d’une prestigieuse école d’arts et ça l’avait tout de suite charmé. Les parents de Charlie essayèrent de la raisonner, mais il n’y avait plus rien à faire, ils avaient perdu toute leur crédibilité face à elle. Lorsqu’ils tentèrent d’aborder le sujet de l’adoption, elle ne donnait qu’en réponse un regard plein de haine, qui anéantissait tout le courage qu’ils avaient rassemblé pour entrer dans le vif du sujet.

Aujourd’hui, ça fait un an qu’elle a quitté l’Ohio. Elle a vécu une belle histoire d’amour avec Shay, elle y croyait sincèrement et ne jurait que par lui. Malheureusement, c’est en allant voir ailleurs qu’il brisa toute leur histoire. Elle n’a jamais compris pourquoi, mais ça l’a complètement brisé. Depuis, elle ne croit plus en l’amour. Elle ne veut même plus entendre parler de lui, et pour qu’on lui laisse la paix, elle se fait passer pour une lesbienne. Mais ce qu’elle ne sait pas encore, c’est que d’autres surprises l’attendent à New York, comme sa prochaine rencontre avec sa sœur jumelle Maely.