Impulsif, j’agissais plutôt au feeling que par la raison. Aujourd’hui, irrité par tout ce bruit et la foule que nous servait New York City, j’étais parti m’isoler en foret, armé d’un appareil photo. Je longeais les petits courants d’eau, photographiant chaque parcelle de la nature. Ça me fascinait autant que ça me détendait. En ce moment, j’avais besoin d’être seul, et loin de tout. Impossible de vous dire depuis combien de temps je traînais dans le coin et j’avais bien pris une centaine de photos.

Pendant un instant, je m’accordais une pause, assis sur un rocher. Dans mon sac à dos, je sortis une bouteille d’eau. Il faisait chaud et comme je me la jouais explorateur à sauter partout, j’en vidais plus de la moitié.

Etrangement, je ne comprenais pas pourquoi je me sentais si frustré et énervé. Certainement ma rencontre d’hier avec cette harpie de Yoko. Moi qui pensais ne plus jamais la revoir, il fallait qu’elle se trouve dans la même école que moi. A croire qu’on m’avait lancé une malédiction.

Bref, il ne fallait pas être un génie pour deviner qu’en ce moment, j’étais loin d’être aussi doux et adorable que d’habitude. Il fallait absolument m’éloigner des autres. Question de survie ! Pourtant, j’étais en train de me surprendre à envoyer un message à Maély.

« Rendez vous à la foret de la ville, à notre coin habituel. Je t’attends »

♥ "Tu voulais peut-être me voir pour pouvoir mieux m'envoyer promener dans quelques minutes?" ♥
♣ Syed & Maély ♣

Longue journée, comme la plupart. Celle ci fut cependant un peu plus chargée au niveau des cours que les autres de la semaine. L'histoire de la photographie. Passionnant en soi. Mais comme j'aimais le dire, je préférais nettement mon art à son histoire. Prendre l'instant présent. Capturer une émotion, le naturel des gens. Avec les photos, nous pouvons voir parfois des personnes sous des angles différents. Quoi qu'il en était, j'étais tranquillement en cours, en train de dessiner sur mon cahier pendant que mon professeur parlait, quand je reçu un sms. Je sentis mon téléphone vibrer, sans faire trop de bruit, et je le regardai pour lire un message de... De Syed?! Etais-je en train de rêver? La dernière fois que je l'avais vu, il m'avait envoyée promener et maintenant il me donnait rendez-vous?! C'était à ne plus rien comprendre, sérieusement! Je rangeai mon téléphone, reprenant mes dessins et laissant mes pensées plutôt énervées divaguer dans ma tête. Pour qui se prenait il pour me traiter de cette façon?! C'était plus possible de continuer comme ça! La cloche sonna et je me levai, prenant par la même occasion la décision d'aller à son rendez-vous, tant pis si je râtai un cours. Je prétexterais simplement que je ne me sentais pas bien. Je rangeai mes affaires et sortit, direction la forêt.

Un jour il était attachant et gentil alors que le jour après il m'envoyait boulet! Ses sautes d'humeur, il n'était plus question que je les supporte. Trop, c'était trop! Arrivée à la forêt, je m'enfonçai un peu plus dedans, sachant pertiment où j'allais car je savais très bien quel était notre endroit habituel puisque forcément, il était habituel. J'arrivai devant Syed et je croisai les bras, disant sèchement: << Tu voulais me voir? >> J'hésitai, tapant légèrement du pied par terre. Je finis par dire: << Tu voulais peut-être me voir pour pouvoir mieux m'envoyer promener d'ici quelques minutes? >> Je décidai de m'expliquer un peu plus dans les détails tout de même, bien qu'il devait savoir de quoi je voulais parler. << J'en ai marre de tes sautes d'humeur Syed. Je sais plus sur quel pied danser avec toi! Un jour t'es adorable, le jour après, t'es méchant! J'en ai légèrement ras le bol que tu joues comme ça avec moi! >> Je le regardais, droit dans les yeux. Je voulais des explications quant à son comportement et je les aurais.

J’attendais Maélys, les jambes croisées qui se balançaient dans le vide. Mes paumes de mains étaient appuyées sur le rocher qui me servait actuellement de banc. La tête en l’air, je fixais le feuillage qui dansait sous la brise légère. Soudain, des bruits de pas. Je me redressais aussitôt. Maélys était arrivé et je quittais rapidement mon perchoir pour la rejoindre. A peine avait-elle ouvert la bouche, que je l’enlaçais contre moi, lui murmurant à l’oreille à quel point elle m’avait manqué. Aussi surprenant que ça puisse l’être, je me sentais totalement soulagé.

Mais la jeune femme n’entendait pas nos retrouvailles de la même oreille. Sa voix se mit à sonner avec agressivité et froideur. Je fronçais les sourcils, et l’éloigna de notre étreinte en positionnant mes deux mains sur ses épaules. La voilà qu’elle était en train de me faire une crise, digne de la gente féminine pour des broutilles. Rare étaient les jours où j’arrivais à garder mon sang froid face à de telles attaques et aujourd’hui ne faisait pas parti des dates exceptionnelles. Avec un tac au tac féroce, je lui répondais :

- Écoute Maélys, si t’es pas contente d’être là, tu connais le chemin pour rentrer chez toi ! Je ne t’ai jamais forcé à venir ici, mais si c’est pour me taper une crise d’adolescente, tu peux faire demi tour et m’oublier par la même occasion !

Non mais pour qui se croyait-elle ? Pensait-elle vraiment que j’avais du temps à perdre avec une personne complètement instable ? Oui, instable ! Pourquoi ? Parce c’est une nouvelle mode d’agresser les gens qui prennent la peine de vous inviter à passer un bon moment avec ?

♥ J'étais cette fois sans réponses quant à ce qu'il se passait avec Syed... ♥
♣ Syed & Maély ♣

A peine étais-je arrivée qu'il était venu me rejoindre et m'avait prise dans ses bras. Heu... What happened? Il me murmura à l'oreille à quel point je lui avais manquée. Bon ok, là, ça devenait affreusement... FLIPPANT. Que lui arrivait il?! Bordel à la fin! Là, ça commençait réellement à me monter au cerveau. Il m'éloigna de lui, me tenant par les épaules, alors que je continuais à déblatérer ce que j'avais sur le coeur. Enfin, une partie de ce que j'avais sur le coeur. Car je n'allais certainement pas lui dire que j'étais attirée par lui alors que j'étais avec Shay et tout ce qu'il s'en suivait. Enfin bref, c'était compliqué et on pouvait réellement le dire. Il s'énerva, comme je m'y attendais. Je devais me douter que sa gentillesse ne durerait pas. En même temps, je venais tout de même de l'agresser, donc c'était d'une certaine façon compréhensible qu'il s'énerve contre moi. Han! Il parla d'une crise s'adolescente?! Je rêvais?! << T'as pas le droit de me reprocher un truc que tu fais toi-même à longueur de temps, Syed! Tu changes sans arrêt de comportement! Je sais même plus si tu tiens à moi ou non! Je sais même plus si je suis importante à tes yeux ou pas! Mets toi à ma place une fois dans ta vie, m*rde! >> En effet, je détestais ne pas contrôler les choses. Vous l'aviez sans aucun doute déjà compris sans que je vous le dise. Je soupirai et baissai les yeux quelques secondes pour regarder autour de nous par la suite. Pourquoi me sentais-je si soudainement fragile et sans défense, sans recours. J'étais livrée à moi-même, seule, dans un monde dont j'ignorais tout. Je le regardai quelques courtes, très courtes secondes, avant d'aller me mettre contre un arbre, silencieuse. Ce n'était plus à moi de parler à présent. Tout était entre ses mains. Je crois qu'il ne m'avait jamais vu aussi perdue, fragile. Moi qui me montrais toujours très forte et pleine de répondant, j'étais cette fois-ci sans réponse quant à ce qu'il se passait avec Syed...

Voir Maély dans cet état me surprenais. D'habitude elle était si forte, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds. Elle pouvait même se montrer détestable lorsque l'on faisait l'erreur de la blesser. Oui, elle faisait partie de ce groupe de personne qui possédait une carapace increvable. Une carapace qui les protéger de ce monde injuste. Mais ce que le monde n'avait jamais compris, c'était que ce type de personne était en vérité, les plus sensibles.

Probablement dépassée par la situation, la jeune femme s'éloigna de moi. Un instant, je la regardais, sans rien dire, ni bouger. Avec la patience que je n'avais pas, j'attendais qu'elle s'apaise. En vérité, je ne savais pas ce qu'elle voulait de moi. Pour ma part, elle me fascinait tellement que ça m’inquiétait. Je n'avais pas ressentit ça depuis... Enfin, peu importe.

En silence, j'allais la rejoindre près de l'arbre. Une nouvelle fois, je la regardais, mais elle semblait tellement m'en vouloir qu'elle ne cherchait pas à capter mon regard.

- Franchement Maély, tu me poses vraiment des questions stupides. Si tu crois vraiment que je tiens pas à toi et que tu n'es pas importante à mes yeux. Eh bien, c'est que tu n'as rien compris.

Mes paroles étaient maladroites mais pour exprimer mes sentiments, je l'avais toujours été. Un peu brusquement, je passais mon bras autour de ses épaules pour l’amener contre moi.

- C'est juste que toi et moi, nous sommes pareils...

Ma voix s'était adoucie. Bien évidemment en prononçant cette dernière phrase, je pensais à nos caractères similaires. A la fois sensible et impulsif, nous étions du genre à nous laisser contrôlé par nos sentiments et notre fierté. C'était bien pour cette raison que parfois, nous avions du mal à nous faire entendre mais surtout, à nous comprendre.

Après ma petite crise de colère contre lui, je m'étais arrêté de parler et j'étais allé simplement me mettre contre un arbre, en restant tout ce qu'il y avait de plus silencieuse. Pour moi, ce n'était plus à moi de parler mais à Syed. C'était à lui de me répondre, à lui de me dire quelque chose. Il pouvait bien dire n'importe quoi, ça m'était presque égal, du moment qu'il me disait quelque chose, qu'il ne me laissait pas là comme une idiote. J'étais si différente aujourd'hui... Je ne comprenais pas moi-même ce qu'il m'arrivait. Pourquoi je réagissais ainsi? En temps normal, lorsque l'ont me blessait, je devenais une véritable peste et je me vengeais, d'une certaine manière. Mais là, c'était différent. J'étais différente avec Syed. J'étais juste perdue, j'avais besoin de réponses.

Je regardais le sol, sans rien dire, puis il finit par venir me rejoindre. Je continuais à fixer par terre, même quand il prit la parole en commençant par dire que je lui posais des questions stupides. Stupides? Et si on inversait les rôles, ne me poserait il pas les mêmes questions lui aussi? Ce n'était pas si stupide, comparé à son comportement. Mes questions étaient par contre tout bonnement légitime. Je choisis cependant de ne rien dire et d'attendre la suite de ce qu'il avait à dire. Il continua en disant que si je pensais vraiment tout cela, c'était qu'alors je n'avais rien compris. Et bien, après tout, peut-être. Peut-être bien que je n'avais rien compris. Mais comment voulait il que je comprenne avec ses sautes d'humeur? Et qu'y avait il à comprendre au juste? Je ne dis toujours rien, perdue dans mes pensées à réfléchir sur ce qu'il venait de dire. Brusquement, il passa ses bras autour de mes épaules et me ramena contre lui. J'avais légèrement sursautée car je ne m'y étais pas attendue. Pus je laissai ma tête posée contre son épaule alors qu'il disait que lui et moi, nous étions pareils. Et alors? Ca devait me mettre sur une piste quelconque quant à ce que j'aurais du comprendre? Je fermai les yeux en disant doucement:

-Alors, expliques moi ce que je devrais comprendre...

Je rouvris les yeux et restai contre lui, sans rien ajouter de plus. C'était à lui de me donner des réponses, pas l'inverse. J'attendis donc, avec toute la patience qu'il m'était possible d'avoir, qu'il me fournisse les réponses que j'attendais à présent...

Elle attendait une réponse, des explications. En avait-elle vraiment besoin ? Non, je ne le pensais pas. J'étais son ami après tout, pas son père. Il fallait qu'elle se montre forte et qu'elle surpasse ces obstacles elle même. Après tout, c'était sa vie qu'elle menait et elle devait agir comme bon lui semble. Au fond de soi, on ressent toujours ce qui est bon ou non pour nous. Mais là, elle était bien trop embrouillée par des bêtises pour faire la part des choses. Alors, je gardais le silence fixant le terrain vague, le regard vide. Je pensais et m'évadais un instant, sans prendre la peine de répondre à sa question.

- Tu m'as manqué. Ces deux semaines sans toi ont été dures parce que je me suis rendu compte que j'avais besoin de toi.

Sa tête était toujours contre mon épaule. Je sentais même sa respiration dans mon cou. Elle était chaude, et me renvoyait une sensation d'apaisement. Je levais la tête, en l'appuyant contre le tronc d'arbre, laissant mon regard de photographe regarder la lumière du soleil transpercer l'épais feuillage qui couvrait le ciel. Le principe d'une forêt...

- C'est tout ce qu'il y a à savoir.

Brusque et maladroit. Je ne savais pas faire autrement. Je ne savais pas comment allé Maély réagir. Peut être qu'elle s'emporterait. Elle est tout aussi impulsive que moi, alors si elle s'en allait en me quittant sans un mot, je la regarderais et me résoudrait à l'oublier pour de bon...

J'étais contre lui et je patientais. Qui aurait cru que j'étais capable de tant de patience? Personne, je supposais. Mais j'étais presque prête à tout pour pouvoir obtenir des réponses de sa part. J'avais juste un besoin imminent de comprendre. De le comprendre lui, de comprendre ce qu'il se passait, de comprendre la situation. C'était pas si compliqué pourtant. J'en avais besoin. C'était comme si mon incompréhension pourrait être un frein m'empêchant d'aller de l'avant. C'était comme si, sans réponses, je ne pourrais plus avancer, continuer. Il m'avoua que je lui avais manquée, que les deux semaines qu'on avait passés l'un sans l'autre avaient étées difficiles car il s'était rendu compte qu'il avait besoin de moi. Waouh. Quelques secondes s'écoulèrent, simplement, durant lesquelles je ne dis rien. Pas un mot, pas un geste. Puis finalement, je me mis à rire. D'abord doucement puis mon rire devint plus fort. Il rompit mon rire en disant que c'était tout ce qu'il y avait à savoir. C'était tout?! Je me détachais de lui en m'énervant:

-C'est tout ce qu'il y a à savoir?! Je t'ai manquée, ça a été dur, tu as réalisé que tu avais besoin de moi mais c'est tout ce que tu veux bien me dire?!

Impulsive? Moi? Non, juste un peu. Je le regardais. Preuve de mon impulsivité, je m'approchai, pris son visage entre mes mains et l'embrassai quelques secondes avant de me détacher. Pourquoi j'avais fait ça...? Ma colère s'était super rapidement apaisée, avec ce baiser. J'avalai ma salive et dis:

-J'ai besoin d'un verre.

Je ne m'excusai pas de l'avoir embrassé puisque j'en avais eu envie, simplement. J'avais cependant besoin d'oublier que je venais de faire une chose que je risquais de regretter. Un verre s'imposait donc, dans mon esprit. Je me tournais et fis quelques pas, remettant mes cheveux en arrière, prête à pleurer. Ce que je n'étais pas prête à montrer à Syed par contre, ça c'était sûr. Et maintenant, de nouvelles questions tournaient en rond dans ma tête, concernant ce qu'il allait dire, ou faire...

Un baiser. Sa réponse fut un baiser. Bien que sa première réaction m'avait vexé, la seconde m'avait apaisé. J'avais senti mon cœur s'emballer. J'avais tellement envie de poursuivre, mais elle y mis un terme brusquement. Complètement paniquée, elle réclama un verre. De l'alcool encore. Je soupirais. Qu'est ce qu'elle fabriquait ? Pour tout avouer cette fois ci, c'était moi qui ne comprenait plus rien à la situation.

- L'alcool ne résout pas les problèmes, et encore moins quand on n'a pas d'argent.

Oui, j'avais entendu que Maély passait son temps avec des personnes peu fréquentable pour boire. Elle ne payait jamais rien et elle se faisait tout payer, parce qu'on ne pouvait rien lui refuser. Peut être qu'elle leur réclamait, comme elle venait de le faire à l'instant avec moi, et que les autres succombaient à son caprice. Avec moi, elle était juste mal tombé pour ce genre de délire. Je détestais boire !

- T'as pas besoin de ça pour être heureuse !

A mon tour de l'attraper pour l'embrasser. Mes lèvres se posèrent contre les siennes, lui donnant un baiser passionné. Ma main glissa derrière sa nuque, laissant mes doigts s’entremêlaient dans ses cheveux. Je me retirais, laissant mon visage encore bien proche du sien. Simplement pour qu'elle puisse entendre mes murmures.

- Quitte tout ça, ce n'est pas bon pour toi. Je te promet de ne jamais t'abandonner et d'être toujours là pour toi. Tu as besoin de quelqu'un, pas de ces conneries !

Comme si son baiser avait été une déclaration de ses sentiments, je me livrais à elle. Mais dans le fond, peut être qu'elle faisait juste ça pour me déstabiliser et rien de plus ? Après tout, tout le monde la savait joueuse...

J'avais réclamé un verre. En effet, j'avais l'intention d'aller dans n'importe quel bar pour me faire payer des verres. Je me fichais de qui me les payerait, je voulais juste boire. Syed me dit que l'alcool ne résoudait pas les problèmes et surtout pas quand on avait pas d'argent. Je me stoppai et baissai les yeux. L'alcool ne résoudait pas les problèmes, ça, je le savais déjà. Mais ça me permettrait d'oublier l'espace d'un instant quelles erreurs j'avais pu faire. "T'as pas besoin de ça pour être heureuse!" me dit il ensuite. Je souris doucement, tristement, lui tournant toujours le dos. Tiens... Et de quoi avais-je besoin alors? Restant de dos, je décidai d'ailleurs de lui poser la question:

-Et de quoi ais-je besoin dans ce cas?

J'eus à peine le temps de finir ma question qu'il m'attrapa, me retourna et m'embrassa à son tour. Il passa sa main sur ma nuque, entremêla ses doigts à mes cheveux longs et détachés qui tombaient en cascade. Je ne pus réprimer un frisson. Un baiser passionné. Un baiser que j'avais sans doute attendu depuis un moment, même si mon attente était des plus inconsciente. J'avais prolongé son baiser, tout en mettant également mes mains dans ses cheveux. Il rompit le baiser et je laissai mes mains glisser, en partant de sa nuque pour arriver à son torse. Ells restèrent sur lui alors qu'il me dit que je devais quitter tout ça, que ce n'était pas bon pour moi. Il me fit la promesse de toujours être là pour moi, de ne jamais m'abandonner. Puis il termina en disant que j'avais besoin de quelqu'un et pas de ces conneries. En attendant, ce qu'il nommait "conneries" c'était ce qui m'avait aidé à ne pas toucher le fond. Je le regardais dans les yeux, sans rien dire. J'avais les larmes aux yeux.

Je détournai mon regard puis je lui tournai le dos, pour essuyer mes yeux discrètement. J'étais peut-être trop fière pour le laisser apercevoir la moindre larme couler sur mes joues. Et Shay dans cette histoire? Et... Comment pouvais-je être sûre que Syed ne me laisserait pas tomber? La dernière fois que j'avais fait confiance à un homme, à quelqu'un qui devait me mettre à l'abris financièrement, il m'avait fait énormément de mal. Plus de mal que ce que j'aurais osé imaginer. Et dire que je m'étais mariée avec cet homme... Comment avais-je pu être aussi stupide? Et si Syed me faisait du mal aussi? Et si... Avec des 'si", on pourrait refaire le monde... Mais si je ne prenais pas le risque et que je le regretter? Mais si je regrettais de prendre le risque justement? Avec des "mais", on pourrait aussi refaire le monde. Je me tournai à nouveau vers Syed et me décidai à lui faire comprendre que sa promesse ne devrait pas être rompue ou je serais sans doute ce que l'ont pouvait qualifier d'anéantie:

-J'ai fugué de chez moi. Arrivée dans une grande ville sans argent, je me suis mariée avec un homme de vingt ans mon ainé pour être à l'abris financièrement et protégée. J'avais confiance en lui. Jusqu'au jour où il a commençé à vouloir plus et puis il a finalement abusé de moi. Je suis partis en emmenant mes économies sans même prendre le temps de divorcer. Et je suis venue ici. C'est là que j'ai commençé à ne plus rien en avoir à faire d'être saine ou non. Boire ne me posait aucun problème, bien au contraire. Je n'ai presque confiance en personne, sans doute parce que j'ai peur. Comment puis-je être sûre que tu ne me feras pas du mal toi aussi?

Je détestais raconter cette histoire. C'était mon passé, un passé douloureux que je souhaitais oublier. A chaque fois que j'y repensais, j'avais envie de pleurer. Comme maintenant. Mais je me retenais. Il n'était pas question que je cède à l'envie pressante de pleurer. Mes yeux étaient très humides car les larmes étaient prêtes à couler et je me donnais du mal pour les retenir. Après avoir terminé ma tirade, je réalisai qu'en apprenant ça de moi, il risquait de ne plus trop vouloir de moi et de partir. Au moins, ça me donnerait la preuve de ce qu'il ressent et si je peux ou non lui faire confiance...

Triste histoire. Malheureusement, nous en avons tous une. La mienne dans son genre n'était pas mal non plus. Je devais peut être lui en parler, pour qu'elle puisse réaliser qu'elle peut me faire confiance, comme je lui fais confiance. Finalement, je succombais à l'idée. Je n'avais pas de secret, ni rien à cacher. Je n'avais pas honte de ce que j'étais, ni de ce que je suis. Alors, tout comme venait de le faire, je me confiais à elle :

- Ma mère est morte d'un cancer du poumon alors que je n'étais qu'un gamin. Mon père n'a pas tenu le choc et a perdu les pétales. Il me battait. Un jour, j'ai craqué, j'ai quitté le pays pour m'exiler en Europe. Je suis revenu il y a peu.

Bien que Maély parlait de son histoire avec émotions, je résumais la mienne sans rancœur ni tristesse. J'avais su passer au dessus. Chose peu facile car chacun surmonte son passé avec ses propres moyens. Dans cette situation, on est toujours seul avec soi même. Personne n'a la force de vous relever. C'est une chose qu'il faut faire seul, puisque cette souffrance au fond de vous, elle n'appartient qu'à vous.

- Pourtant, je ne me suis pas caché derrière l'alcool et tout se qui s'ensuit. J'ai préféré extérioriser ça grâce à la photo. Tu sais, le but premier d'une photo, c'est ressortir l'émotion. Capte ta souffrance et transforme là comme une énergie motrice. Ça ne pourra que te rendre plus forte.

Sûrement plus facile à dire qu'à faire, mais si j'avais su à y faire face, pourquoi pas elle ? Après tout, c'était une vraie guerrière cette fille ! Lorsqu'elle voulait quelque chose, elle l'avait. Pourquoi ne pas faire la même chose dans ce cas là, dans quelque chose qui s'annonce que bénéfique pour elle ?

- Et puis... Je suis là.

Syed. Que dire de lui, honnêtement? Il pouvait se montrer si doux et gentil, compréhensif et le jour suivant il pouvait vous envoyer promener. Et pourtant, je devais dire que je tenais à lui, sans doute plus que je ne voulais bien me l'avouer. Après lui avoir raconter mon histoire, il me raconta la sienne. Je le regardai. Il la racontait d'une manière si... Si vide d'émotions. C'était comme si il avait réussi à tirer un trait définitif sur cette histoire qu'était son passé et qui avait fait de lui ce qu'il était aujourd'hui, l'homme qui était en face de moi. Il reprit en disant que lui ne s'était pourtant pas réfugié dans l'alcool ou d'autres choses du genre. Je baissai les yeux et regardai une nouvelle fois le sol. Il continua en disant qu'il avait préféré extérioriser ça grâce à la photo puis il me rappelle le but premier de la photo qui était de resortir les émotions. Les émotions, le naturel... Oui, c'était le premier but d'une photo. L'art qu'était la photographie c'était ça: capter une émotion quelconque, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Capter l'instant présent. Capter le naturel d'une personne ou d'une situation. "Capte ta souffrance et transforme là comme une énergie motrice. Ça ne pourra que te rendre plus forte" finit il par dire. Je relevai les yeux vers lui, souriant doucement et tristement pou lui dire:

-En faire une énergie motrice, d'accord mais... Pour en faire quoi? Et puis, tu as su tirer un trait sur le passé toi mais... Mais moi, officiellement, je suis toujours mariée. Je ne peux même pas dire que je peux l'oublier totalement...

Il dit qu'en plus, il était là. Je le regardai dans les yeux quelques secondes puis je détournai le regard, sans pour autant lui tourner le dos cette fois, et les larmes coulèrent sur mes joues. Je m'empressai de les essuyer avec mes mains, mais d'autres arrivaient, doucement, en suivant le sillage que les précédentes avaient déjà creusés.

-L'alcool me fait du bien... Cest presque... C'est presque une drogue, c'est un besoin. Ca me permet d'oublier que j'ai été stupide à un moment précis de ma vie... Je pourrais pas arrêter comme ça... Pas aussi simplement. Quand j'ai un coup de blues, je vais boire un verre, faire la fête... Je suis... Je sus comme ça...

Avait il l'intention de m'aider à arrêter de boire? Le pauvre. Il avait beaucoup de courage. Je soupirai et mis mes mains en poches pour aller me mettre dos contre un rocher. Je regardais le sol, attendant.