« Non, mais je rêve ! » dis-je. Pas assez fort pour qu’elle ne l’entende, mais tout de même assez pour prouver mon mécontentement.

« Encore elle !» Rajoutais-je pour en l'afficher encore plus. Elle ne semblait pas m’avoir remarqué, je pouvais retourner d’où je venais sans qu’elle n’ait à savoir que j’avais mis les pieds ici. Ça serait parfait, au moins je n’aurai pas à me taper la montagne russe qu’était cette fille. Mais qu’est-ce que je fais ? Je ne suis pas ce genre de gars, je ne vais pas m’enfuir dès qu’un obstacle se met en travers de mon chemin. Je suis un homme, un vrai. Je pris une grande respiration, puis je fis un pas vers l’avant, puis un second, puis le reste vint tout seul, j’étais maintenant trop près d'elle pour reculer. Je la fixais des yeux, profitant des dernières minutes de repos et de silence qu’il me restait probablement. Je m'assis à une table libre, seul à quelques mètres de la sienne, retenant presque ma respiration pour ne pas qu'elle remarque ma présence.

Le pire dans tout ça c’est que je savais exactement ce qui allait se produire aujourd’hui, elle viendrait, comme elle le fait tout le temps, et me poserait des tonnes de questions, à laquelle je ne répondrai avec aucune satisfaction, puis elle tenterait de me séduire… et cette fois-ci je craquerais, j’en étais certain. Chaque homme a son honneur, le mien était de lui résister. Mon silence était complet. Je ne serai pas le premier à la saluer. Je fixais le plafond, sans grande intention de lire le livre que je tenais entre les mains, Le Cid de Corneille, un devoir comme un autre... perte de temps total si vous voulez mon avis. Je passai mes mains sous ma tête, prenant la position la plus confortable qui soit, posant mes pieds sur la table, chose qui m'était interdite. Puis je fermai les yeux, prêt à la rêverie.

« Coucou, toi ! Comment vas-tu ? » Cette voix m’était beaucoup trop familière, je regardai mon interlocutrice une seconde juste avant de reprendre ma position initial, fixant le plafond des yeux, comme si elle n’existait plus.

« Ça pourrait aller mieux. » Dis-je simplement en guise de réponse. Je ne pris pas la peine de le lui demander en retour, car je connaissais déjà sa réponse. Je l’avais rencontré il y a de ça assez longtemps pour pouvoir reconnaître ces états d’âmes. Il ne m’avait fallut que d’une seconde pour la juger qu’elle allait parfaitement bien. Je n’avais jamais été le plus fort en conversation, encore moins quand il s’agissait d’Ashley, je savais très bien ce qui lui trottait dans l’esprit, et je devais avouer que je ne savais plus trop quoi en penser. Une attirance indéniable nous unissait, mais au nombre de fois ou nous avions joué à ce jeu, il en devenait de moins en moins intéressant. Aujourd’hui, je savais pertinemment que je craquerais, que je le veuille ou non, je craquerai. Je me levai donc, en arrivant à la conclusion que j’avais assez lut pour la journée, c’est-à-dire rien du tout.

« Bon, je retourne aux dortoirs. » Ma voix était sèche, sûr d’elle. Je poussai ma chaise afin de la remettre parfaitement en place. Je regardai une dernière fois la table qu’elle occupait il y a quelques secondes, puis je la regardai elle.

« Tu as le choix chérie, sois tu me suis, sois tu termines ta conversation avec la fille qui est là-bas. » Sans attendre sa réponse je quittai la bibliothèque, livre en main. Elle pouvait faire ce qu’elle voulait après tout. Je dormirai seul ce soir, whatever.

Le chemin d’ici à ma chambre était relativement court. Bien que je ne faisais que très rarement l’effort de me rendre jusqu’à la bibliothèque pour lire ou étudier, de savoir qu’elle était à proximité fût un point positif de plus. Je pouvais entendre Ashley se saisir de son sac alors que j’ouvrais la porte qui menait au corridor. J’étais quand même assez gentleman pour la lui tenir le temps qu’elle passe, ce que je fit sans ajouter un seul mot. Je n’avais jamais été un fin communicateur et à ce stade-ci Ashley devait en être bien consciente.

J’avais franchit le pan de la porte à peine trois minutes plus tard, Ashley me suivait de près derrière, je pouvais l’entendre respirée, et il y avait toujours ce parfum, qui flottait dans l’air, qu’elle portait à chaque fois qu’on se croisait, maintenant je pouvais facilement le reconnaître parmi d’autres. Je fis encore assez galant pour la laisser entrer avant moi. Heureusement, aujourd’hui Serena, ma colocataire, n’était pas présente, elle devait probablement être en cours, Je refermai la porte derrière nous, et à peine l’eus-je fait qu’Ashley avait pris les devants. Loin de m’opposer à une telle initiative, il y avait tout de même ce sentiment de m’être fait prendre à mon propre jeu qui me flottait dans le fond de l’esprit. Je souris, portant mes mains à ses hanches pour la dégager tranquillement, mes lèvres toujours éprises des siennes dans un dernier espoir de baiser. J’étais bien plus grand qu’elle, bien plus fort et surtout bien plus effrayant qu’elle ne le saurait jamais. D’un mouvement de bras je l’obligeai à me lâcher;

« À ce que je peux voir, on en oublie les politesses aujourd’hui. » Dis-je simplement pour l’obliger à me demander de lui expliquer de quoi je parlais. Ne lui en laissant pas l’occasion je continuai;

« Ta mère ne t’a jamais appris qu’il faut demander avant de prendre quelque chose ? » Je ne pouvais pas m’empêcher de sourire intérieurement. Mes mains toujours posées sur ses hanches, je l’attirai à moi aussi facilement qu’avait été de la repousser plus tôt. Une de mes mains se glissa dans son cou, mon pouce retenant son menton de regarder ailleurs que directement à moi, j’approchai mon visage du sien, murmurrant à son oreille;

« Alors tu permets ? » Demandais-je poliment sans attendre sa réponse. Je l’embrassai à mon tour, plus délicatement qu’elle ne l’avait fait plus tôt.