Lorsqu'on a l'impression que tout est noir, il est difficile de se sortir de l'obscurité. Les jours nous paraissent longs, pénibles, on ne vit pas, on survit. Les parents de Gwénaëlle ont été unis de force, par leurs deux familles. Les deux tourtereaux ne s'aimaient pas, mais sous l'insistance de leurs proches pour avoir une descendance, ils ont décidé de procréer. La jeune femme a vu le jour le 5 novembre, à Vancouver, grande ville portuaire du Canada, située en Colombie-Britannique. Sa mère, Jeanne, était une journaliste pour le journal local de Vancouver. Elle était aimante, généreuse et voulait offrir un beau foyer à son unique fille. Malgré le fait qu'elle ne fût pas très âgée, Jeanne Lee était probablement une des meilleures mères qui soit. En revanche, son père, John, n'était qu'un homme peu fiable et paresseux. Il passait ses soirées à boire dans une de ces tavernes merdiques, draguant toutes les jolies serveuses qui passaient près de lui. Les deux adultes étaient en tout point différent, c'était pourquoi ils entretenaient une relation peu amicale. Lorsque Gwénaëlle avait appris à parler, ce n'était que pour faire la messagère entre son père et sa mère. Pendant que Jeanne était à la cuisine, elle allait dire à John que sa femme n'aimait pas sa façon de se conduire. Elle retournait ensuite à la cuisine pour dire à Jeanne que John n'aimait pas qu'elle le critique constamment. C'est pourquoi dès les cinq ans de Gwénaëlle, ils divorcèrent. La jeune fille partit pour Toronto avec sa mère, laissant derrière elles John et ses problèmes.

Une fois bien ancrées à Toronto, les deux femmes continuèrent leur vie sans encombre. Mais bientôt s'annoncèrent les années de lycée de Gwénaëlle. Elle n'avait pas de difficulté particulière à s'adapter à un nouvel environnement, mais cette fois-ci, ce fût une lourde étape. Les gens se moquaient d'elle, elle était différente. Elle passait ses midis à la bibliothèque, ne se cherchait pas d'ami(e)s. Elle et ses livres, tout simplement. Ils commencèrent seulement par une remarque piquante, un jour par semaine. Pour ensuite finir par la plaquer sur des murs, la pousser, faire tomber ses cahiers. Elle en avait assez, assez de cette vie de misère qui ne cessait d'accroître. Au bout de quelques mois, elle ne voulait plus de sa vie. Elle n'en parlait pas, ne voulant pas causer de problèmes supplémentaires à sa mère, et savait que si elle dénoncait tout ça, ils s'occuperaient de la battre. Gwénaëlle n'osait plus se regarder dans une glace, elle avait fini par croire tout ce que les gens racontaient sur son compte. Elle voulait en finir. Jusqu'à ce jour, où elle marchait, seule, dans un couloir du lycée. Elle entendit une voix, magnifique, grave, une de ces voix qui lui donnaient des frissons. Elle reconnu bien vite la chanson Heartfelt Lies de Ron Pope, une de ses préférées. Sa curiosité suivit la voix, la portant jusqu'à une grande salle de répétition. Assis seul avec sa guitare, le professeur de musique du lycée chantait sans retenue. Elle s'approcha, gênée, puis s'assit sur une chaise et le regarda, mais surtout l'écouta, jouer de ses instruments. L'enseignant fût surpris de voir l'élève l'écouter chanter, mais s'approcha tout de même d'elle. Ils s'échangèrent quelques mots, pour il recommenca la chanson. Portée par la douce mélodie, elle commença à chanter. Elle avait du talent, lui avait-il dit. C'est ce jour-là que tout a changé. Elle savait ce qu'elle voulait faire maintenant. Et elle ne laisserait plus personne lui couper les ailes.