Étant née alors que ma mère n'avait que dix-sept ans, j'avais des chances, d'être abandonnée ou même confié aux services sociaux. Pourtant, avec le plus grand des hasards, ça n'a pas été le cas. Elle m'a gardé et m'a éduqué avec tout l'amour qu'elle avait. Au fond de moi, je savais que j'avais eu beaucoup de chance de l'avoir, qu'au fond de son cœur, elle m'aimait plus que n'importe qui. Mon père, quant à lui, il posait rarement les yeux sur moi. Mais lorsqu'il le faisait, c'était toujours avec de la douceur. J'étais sa petite princesse et lui était l'homme que je rêvais d'avoir comme mari plus tard. Son sourire m'inspirait confiance et ses yeux brillaient à chaque regard. Lorsqu'il revenait de son travail, il m'emmenait toujours jouer au parc. C'était notre moment, je voulais qu'il dure le plus longtemps possible. Mais, un jour il faut grandir. Et quand on grandit, ce n'est jamais très facile de dire au revoir à ce qu'on a connu, comme par exemple, une enfance remplie d'amour et de plaisir. J'avais eu beaucoup de mal à passer à l'adolescence, beaucoup. Mais, avec l'aide de ma mère, j'avais réussie à me contrôler sur les bêtises. Elle me surveillait à mon grand regret d'autres fois. Aujourd'hui, je lui dirais merci pour cette période.
« Maman, ce soir je fais mon premier concert au café, tu veux bien venir me voir ? » Lui avais-je demandé avec tout le bon vouloir possible et tous les sourires que je connaissais, tout en lui faisans un câlin par derrière. « Peut-être une autre fois ma chérie, je suis en train de lire le devoir d'une de mes élèves. » M'avait-elle rétorqué sèchement alors que la seule chose que je voulais, c'était elle, sa présence. « Tu te fiches de moi là ? » J'étais complètement frustré. « Non, tu sais, si tu n'avais pas abandonné tes études, tu aurais peut-être le niveau de cette jeune fille nommée Lou. » Disait-elle une énième fois pour que je me sente mal dans le fond et que je retourne sur les bancs de l'école. « Tu ne veux pas l'adopter pendant que tu y es ! » C'était sorti du fond de mon coeur et, même si elle n'avait plus répondue à partir de là, j'avoue ne pas y être allé de main morte. Ma mère, celle qui m'a donnée la vie, ne voulait pas venir à mon concert. Si mon père était là, elle aurait fait un effort mais, manque de chance, il était en voyage.À cette soirée fait pour mon premier concert, j'avais enflammée la salle et la foule. Ils étaient tous fous de mes chansons et de ma voix. Rien qu'avec cette soirée, je savais que c'était ce que je voulais faire. Je savais que je voulais être une star montante. Et à mon grand avantage, je ne tardais pas à le devenir, vendant des disques aux quatre coins du globe. Même si je ne bougeais pas de Toronto, j'avais déjà des milliers de partisans. J'avais de quoi être fière de moi et de ma carrière. Mais, même si maman ne l'acceptais pas, j'allais bientôt être obligé de faire une tournée. Si je voulais continuer à exister en tant que célébrité.

« Mademoiselle Grand-Hood, vous pouvez aller dans sa chambre, c'est bon. » Je saluais l'infirmière et commençais à courir dans les couloirs de l'hôpital. Ouvrant la porte, je voyais son corps meurtri sur ce lit blanc. Son visage si torturé et ses mains si froide. Mes larmes commençaient à couleur d'elles-mêmes et je m'asseyais sur le fauteuil juste à côté de son lit, prenant une de ses mains et la collant sur ma joue, laissant mes larmes tomber dessus, en attendant que ses yeux ne s'ouvrent. Il était là, dans ce lit d'hôpital. Ce père que j'aimais tant, que je ne voulais pas voir partir. Il était là et je ne savais pas comment l'aider à se relever. J'avais peur, très peur.
Mais, heureusement, au bout de quelques semaines passé à son chevet, il s'est remis de cet accident si tragique. J'ai dû annuler quelques concerts et rembourser des personnes mais, la santé de mon père passait avant tout, même ma vie. Si je devais faire des sacrifices, c'était bel et bien pour lui. « Papa, c'est aujourd'hui que tu rentres à la maison, tu es content ? » Je souriais enfin après toutes ces semaines passées dans cette chambre. « Anthéa.. » Sa voix était faible mais, j'arrivais encore à l'entendre et à ne pas apprécier qu'il prononce ce prénom. « C'est Shioban, papa. » « Anthéa, il faut que tu saches quelques choses. » Je le regardais avec un air interrogateur. Il avait l'air de vouloir me dire quelque chose de très important, pourtant je n'arrivais pas à deviner le thème de la discussion. « Tu as une sœur ma chérie.. » Mes yeux commençaient à s'écarquiller et je ne savais pas trop lui répondre. Il décidait donc de continuer son récit à travers les âges. « Je ne sais pas comment elle s'appelle aujourd'hui, mais ta mère l'a eu très jeune.. Vers ses quinze ans, en fait. » C'était comme un coup de massue. Je n'arrivais pas à y croire et en même temps je savais qu'il n'aimait pas mentir à ceux qu'il aime. « Et ce n'est qu'aujourd'hui que tu me dis ça.. Tu te rends compte que j'ai une sœur et que je ne lui ai jamais parlé. Tu te rends compte que je n'ai même pas envie de la voir. As-tu seulement pensé au fait que l'existence de cette fille n'était pas la chose que je voulais entendre ! » Je n'arrivais qu'à hausser le ton, parce que j'étais vraiment contrarié par cette révélation. Je me complaisais dans ma vie, dans mon environnement. Je ne voulais pas de cet élément perturbateur. « Je sais que tu aimes, le fait d'être fille unique, mais nous ne savions pas quand te le dire, comprends nous. » Il me regardait dans les yeux mais, moi je n'y arrivais pas, son regard me fendait le cœur à chaque fois. Ce n'étais plus cette douce sensation comme avant. C'était un ouragan. « Bien essayée. Mais, je n'ai pas envie de vous comprendre. Je vais vivre avec Johlan. Félicitations et, bonne chance avec votre fille. » J'allais revenir les voir, quand j'aurais réussi à digérer la nouvelle. Mais, avant cela il fallait que j'aille récupérer mes affaires. Même si je savais qu'il allait repartir pour son travail demain soir.

Ça faisait maintenant une semaine que j'avais quittée la maison de mes parents pour le minuscule appartement de ma meilleure amie. Ils me manquaient, terriblement. Leurs petites attentions me manquaient tout le temps. Johlan essayait de me faire plaisir mais, à chaque fois ça tournait à la dispute. Mais, grâce à elle, j'ai quand même pu écrire des chansons. Triste, d'accord. Mais elles étaient géniales. Je les avais déjà chantées d'ailleurs, au café dans le coin de la rue. Ils avaient tous adoré le nouveau style que je me forgeais. Tous, sans exception. Ma carrière, d'ailleurs, a connu un arrêt durant trois semaines non-stop. Je n'arrivais pas à me dire que j'allais retourner devant un tel public sans ma famille. Je m'y refusais complètement. « Allô.. Maman.. Je rentre ce soir.. Tu veux bien ? » Les larmes coulaient et me froissait la voix par la même occasion. Ma mère pleurait aussi de l'autre côté. Elle pleurait de joie. Papa était repartit pour sa mission, ça fait bien trop longtemps qu'elle est seule à la maison. J'avais acceptée de leur pardonner, simplement parce qu'ils avaient l'air de tenir à cette fille. Et bien entendue, j'étais retournée vivre avec ma mère.
Six mois avaient passé et j'allais enfin la rencontrer. Celle qui m'irritait le poil, celle qui était la première fille de ma mère. Celle qui, sans nul doute allait me gâcher la vie. Nous regardions avec maman, son taxi arriver devant chez nous. Pour l'occasion, j'avais mis une robe en dentelle très chic blanche et de petites bottes de la même couleur. Maman, elle, était restée sobre et n'avais pas essayé de donner du style à ses vêtements. La regardant descendre de la voiture, je ressentais en moi, une haine très profonde. Je la détestais déjà, sans même qu'elle ait ouvert la bouche. Magnifique comme première impression. Si elle n'avait jamais existé, je serais la fille la plus heureuse. Elle marchait de manière saccadé et ses cheveux n'avaient aucun volume. Maman la prenait dans ses bras, même si pour elle c'était un grand choc. Moi je me contentais d'un sourire rapide et hypocrite. Retournant dans la maison sans même la toucher une seule fois. La journée était passée très vite. J'avais été très arrogante d'ailleurs. Suite à cette journée, je n'avais plus été la même. J'étais devenue... Méchante dans mon fort intérieur.
Ce n'est que plusieurs semaines après, que j'ai appris que sa vie n'avait pas été la même que la mienne. Elle était passée par plusieurs étapes, dont un coma après violence physique. J'avais de la peine pour elle. Sa vie n'était pas celle que j'avais cru. Ce n'était pas la vie de luxe que je lui imaginais. J'aurais pu être dans son cas, j'aurais pu avoir une famille d'attardés mentales.. Je ne savais pas, je m'en voulais pour l'attitude que j'avais jusqu'à présent avec elle. Je me sentais sale et égoïste. Je ne voyais pas pourquoi je l'avais jugé sans même lui laisser une chance de s'expliquer. Et puis, sans m'en souvenir réellement, je lui en voulais pour l'incident avec ma mère de mon premier concert. J'étais devenue avec elle, une pure prétentieuse. Je n'arrivais plus à me reconnaître. Il fallait que je me rattrape, à tout prix. C'est d'ailleurs pour cela qu'aujourd'hui, j'essaie de tout faire pour être proche d'elle comme j'aurai dû l'être le premier jour.